• Ce n'était pas dimanche à Bamako...

    carte-Mali-Congo

     

    En visite hier au Mali pour assister à l'investiture du président Ibrahim Boubacar Keita, François Hollande a été acclamé par la foule dans le Stade du 26 mars de Bamako où il a prononcé un discours aux accents gaulliens : "Nous avons gagné cette guerre, nous avons chassé les terroristes, nous avons sécurisé le Nord et enfin vous avez réussi à organiser des élections incontestables et le vainqueur est aujourd’hui le président du Mali !" a-t-il lancé. Avant d'ajouter : "La France sera là pour vous accompagner, pour le développement, pour l’Etat, la démocratie, pour la réconciliation". On a presque envie de chanter avec Amadou et Mariam « Le  dimanche à Bamako, c’est jour de mariage…Les parents et les sympathisants sont au rendez-vous  Les copains et les voisins sont au rendez-vous .Les Fonés et les Djélis sont aussi au rendez-vous »

    Mais hier, c’était jeudi et même si les mariés étaient au rendez-vous, combien de temps durera le mariage France-Mali après la fête ? De quoi sera fait demain ? Même si François Hollande a voulu montrer qu’il n’était pas seul avec les Maliens dans cette guerre, il a toutefois mis l’accent sur son rôle majeur aux côtés de l’armée malienne. Il faut dire que les pays européens sont restés très distants avec ce conflit et en Afrique, seul le Tchad a apporté une aide militaire réelle mais limitée. Aujourd’hui trois mille militaires français sont maintenus sur place. Combien de temps resteront-ils ? Qu’arrivera-t-il après leur départ ?

    Les terroristes islamistes de la mouvance Aqnil ne se sont pas évaporés. Ils sont présents au Niger et en Lybie. Des otages français sont toujours détenus dans cette région. Une fois la France partie, les terroristes reviendront sans doute. Et puis il y a le problème des Touaregs qui contrôlent une partie du Nord malien. Un protocole y a été signé le 8 août entre communautés arabe et touareg pour créer un front uni face au nouveau pouvoir élu à Bamako dans le cadre du processus de paix qui doit s'ouvrir d'ici à la fin septembre. Ce protocole est apparu rapidement très précaire dès le 14 août, début de graves violences de part et d'autre de la frontière algéro-malienne, entre Arabes et Touareg, faisant des morts.Les affrontements se sont déroulés, dans un premier temps, dans la localité algérienne Bordj Badi Mokhtar, avant de se propager du côté malien. Cela montre encore la porosité des frontières du Mali qui est une fois et demie plus grand que la France. Tout n’est donc pas réglé et le plus dur est à venir car il s’inscrit dans la durée comme en Afghanistan.

    Hier, c’était à Bamako l’intronisation du président Ibrahim Boubacar keita élu démocratiquement nous dit-on. Dans son discours, François Hollande a voulu en faire aussi la fête d’une victoire militaire. « Nous avons gagné la guerre, nous avons chassé les terroristes… » A-t-il lancé à la foule pour ajouter ensuite : « Nous conserverons ici les effectifs nécessaires, mais surtout autour du Mali, pour aider les forces africaines à juguler toute menace. Parce que c'est d'abord aux Africains d'assurer leur propre sécurité.» Nos soldats ne quitteront pas cette région d’Afrique de sitôt. Et puis notre Président et chef des armées a justifié une intervention future en assurant : « "Lorsque le droit est bafoué, lorsque les enfants et les femmes sont massacrés, c'est là que la communauté internationale doit se lever et assurer la solidarité. Voilà la leçon du Mali. Voilà le message de Bamako". Noble intention sans doute dirigée contre Bachar Al Assad. Pour la première fois, François Hollande a laissé entendre que la France pourrait livrer des armes dans "un cadre contrôlé" aux rebelles syriens, qui sont, selon lui, pris entre les forces gouvernementales et les extrémistes islamistes. Il ajoutait à Bamako :"Je constate que les Russes en livrent régulièrement, mais nous, nous le ferons dans un cadre élargi avec un ensemble de pays et dans un cadre qui peut être contrôlé, car nous ne pouvons accepter que les armes puissent aller vers des djidadistes que nous avons combattu ici".

    Pendant ce temps Fillon rencontrait Poutine et taclait Hollande sur l’affaire syrienne. Le futur candidat des primaires présidentielles à l’UMP a donné du « Mon cher Vladimir » à celui qui se comporte comme un dictateur en Russie et, après avoir bloqué toute intervention internationale en Syrie, s’est imposé stratégiquement comme incontournable pour arriver à une solution pacifique. Poutine ne verse pas dans l’humanisme. On l’a bien compris.

    Que se passe-t-il en Afrique, mis à part le Mali?  On massacre des femmes et des enfants au Congo en présence d’une FINUL impuissante. Que fait la communauté internationale devant ce qui apparaît comme un nouveau génocide ? La France va-t-elle seule ou presque jouer les gendarmes uniquement dans ses anciennes colonies africaines comme elle vient de le faire au Mali ? Quel sera le périmètre de son action future ? Le Congo entre-t-il dans ce périmètre. Dans l’affirmative, est-ce par humanisme que se décidera une intervention? Alors pourquoi le Congo est-il abandonné depuis si longtemps à une violence qui a fait des millions de morts et continue à en faire ? En octobre 2012, lors de sa première tournée africaine,  François Hollande y était allé jouer l’équilibriste entre Kabila (dont les méthodes et la légitimité sont contestées à la suite d’élections dénoncées même par l’ONU) et l’opposition. Il n’a réussi qu’à se mettre Kabila à dos et les palabres sont inutiles. Etienne Tshisekedi, figure emblématique de l’opposition et président de l'Union pour la démocratie et le progrès social , (UDPS),  avait déclaré à la sortie de sa rencontre avec le président français.: «Je n’attendais rien du président Hollande sur la situation au Congo. Il n’y a que les Congolais qui savent ce qu’il se passe ici. Et personne d’autres. Mais nous croyons toujours dans les valeurs pour lesquels il est là, de bonne gouvernance et de démocratie». Depuis lors, rien n’a changé et la FINUL, présente sans les moyens en hommes et en matériels nécessaires pour faire respecter les droits de l’homme, ne peut que compter les morts avec, pour vaste mission, la stabilisation de la République Démocratique du Congo.

    Non ce n’était pas Dimanche à Bamako, ce n’était pas un jour de mariage mais tout juste le renouvellement d’un Pacte de solidarité à durée incertaine. Hier, c’était aussi le 19 septembre. Il y a un an jour pour jour était signée la Résolution 2068 du conseil de sécurité de l’ONU qui a été votée le 19 septembre 2012 concernant les enfants et les conflits armés. Cette résolution sans suite opérationnelle condamnait le recrutement et l'emploi des enfants dans les conflits armés ainsi que les sévices qu'ils subissent lors des conflits, constatait que certaines parties ne renoncent pas à ces pratiques malgré les résolutions prises à ce sujet et demandait aux états membres de condamner les auteurs de telles pratiques. Au Congo, la communauté internationale brille par son absence comme elle l’a si souvent fait dans le passé. Trop souvent l’ONU apparaît comme l’organisation des bonnes intentions sans passage à l’acte. Les grandes puissances se donnent bonne conscience et continuent à être les complices obscurs de la souffrance des peuples martyrisés.

    Fucone

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