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La démocratie maltraitée
François Hollande aura réussi le tour de force de se voir reprocher du laxisme par la Droite et l’austérité par la gauche. Son tournant réaliste est un dérapage non contrôlé qui va le faire capoter. Son opposition à Sarkozy n’aura été que de façade comme celle de Sarkozy, Fillon et Jupé n’est aujourd’hui que de façade. Chacun usera de sa rhétorique aux prochaines élections présidentielles. Une fois arrivés au pouvoir, tous mènent la même politique. Nous assistons à cette alternance depuis 1983 lorsque Mitterrand s’est converti au libéralisme européen qui est devenu une religion d’Etat. Depuis lors, les dirigeants socialistes sont passés à droite tout en parlant à gauche. Ils ont souscrit à la politique de l’offre et des marchés. UMP et PS se partagent le pouvoir dans un bipartisme organisé et maintenu par la constitution de la Cinquième république mais ce système est en train de subir un échec sur toute la ligne, les élections européennes sont là pour l’illustrer. Le vote dit « républicain » ne fait plus recette.
Si à droite, Sarkozy et sa garde rapprochée portent la responsabilité de la banalisation de l’idéologie xénophobe du Front national et va sans doute demain faire alliance avec Marine Le Pen, François Hollande et les Solfériniens portent la responsabilité de la division de la gauche après les élections présidentielles. Ces derniers ont dévalorisé toute la gauche au bénéfice du Front national installé dans un tripartisme électoral réunissant les conditions d’un vote dit « républicain ». Ils ont laissé le Front national récupérait le refus de l’Europe libérale, condamner les logiques de Maastricht et refuser la politique monétaire imposée par l’Allemagne. Ils ne veulent pas entendre le ras-le-bol des partis qui défendent l’Europe libérale et la condamnation de la quasi-totalité de cette presse et de ces médias qui, aux mains de grands patrons, se font les courroies de transmission de l’idéologie libérale.
Hollande a mis en place une énarchie coulée dans le moule libéral. Il s’attaque aux services publics dont, nouveauté, le FN, fait l’éloge. En laissant le FN récupérait hypocritement le mécontentement, les propagandistes libéraux du PS ont voulu mépriser le Front de gauche et le mettre dans le même sac du populisme. En propulsant Manuel Valls au poste de Premier ministre, François Hollande a apporté de l’eau au moulin du FN en matière d’immigration en période où la xénophobie et le racisme gagnent du terrain.
Avec la complicité de la quasi-totalité de la presse, Sarkozy et Hollande ont favorisé la dédiabolisation du FN et l’ascension politique de Marine Le Pen qui se sert aujourd’hui des élections européennes pour viser les prochaines élections présidentielles. La politique, comme la nature, a horreur du vide. L’UMP et le PS ont failli et leurs ténors ont du plomb dans les ailes. A droite comme à gauche, on ne peut humilier indéfiniment un électorat et un peuple sans risque. Seul le Front de gauche ne laisse pas à Marine Le Pen le monopole de la restitution de la dignité des victimes de libéralisme. Hollande, malgré ses discours, fait et fera ce que l’Europe libérale et Angéla Merkel veulent. Le Front de gauche refuse cette fatalité comme celle de la montée du Front national. Pour changer l’Europe, il faut le vouloir. Sur ce point encore, François Hollande ne veut pas sincèrement réorienter l’Europe. Il ne réclame qu’un peu plus de croissance pour sauver son quinquennat. Il s’est coupé d’une grande partie de son électorat et l’austérité n’est pas favorable à la croissance nécessaire à l’inversion de la courbe du chômage qui est devenue son baromètre. Ce n’est ni la droite ni le patronat qui vont l’aider à sortir de la crise. François Hollande donne l’impression d’occuper un emploi d’intérimaire en assurant la continuité libérale. Il agit cependant mais contre son électorat. C’est malheureusement le cas pour le Grand marché transatlantique.
Il faut savoir que, dans le silence de l’opposition de droite et des médias occupées par l’Ukraine, le gouvernement veut pouvoir réformer par ordonnances le code civil et en particulier le droit des contrats (soit un cinquième du code civil). La loi ne sera plus nécessaire et l’Exécutif pourra réglementer à sa guise. Malgré le rejet du Sénat, le projet a été adopté par l’Assemblée nationale. C’est une atteinte à la séparation des pouvoirs en matière législative est la porte ouverte à la modification du droit en matière notamment de contrats pour faciliter la mise en place du grand marché transatlantique. Autant dire que le fameux traité TAFTA va arriver et passer comme une lettre à la poste malgré toutes les oppositions et toutes les conséquences qu’il va entraîner. Ce sera un véritable passage en force après que le terrain juridique ait été préparé dans le secret. « Et en fait cette réforme est encore plus scélérate que ce que l'on pense car elle permet directement l'instauration des mesures législatives qui vont permettre l'établissement du Grand Marché Transatlantique , puisque ces mesures vont permettre de modifier un aspect essentiel des Codes législatifs nationaux : le droit des contrats , sans doute pour les mettre en accord avec ce qu'exigent les Américains qui veulent instaurer le Traité Transatlantique sans que leurs entreprises ne soient gênées par nos lois nationales , votées et adoptées la plupart du temps dans le sens de l'intérêt général » commente Marie-Caroline Porteu sur un blog de Médiapart dans un article : « Le Coup d'Etat a eu lieu , le Pacte Transatlantique est déjà adopté ».
Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, après l’échec du texte présenté par le gouvernement devant la commission mixte paritaire du 16 mai, a déclaré : « Avec l’ensemble des sénateurs, de tous les groupes, de la commission des lois du Sénat, je tiens à dire ma profonde opposition au consentement à ce recours aux ordonnances – qui sera inévitable si l’Assemblée Nationale, qui a le dernier mot, maintient sa position – qui revient à un auto-dessaisissement du Parlement sur des sujets majeurs qui relèvent à l’évidence de la loi et justifient un vrai débat parlementaire ».
C’est fait l’Assemblée nationale s’est auto-dessaisi d’une partie du droit législatif au profit du droit règlementaire, donc un recul de la démocratie. C’est avec une assemblée nationale docile et l’élargissement du pouvoir réglementaire que la démocratie devient stérile, ce qui alimente l’abstentionnisme électoral.
Il faut rappeler que L’UMP et le PS sont favorables à ce traité et le FN plutôt favorable. Ce sont ces trois entités politiques qui occupent l’espace médiatique et pourront demain bénéficier des forts taux d’abstentions. Comment peut-on dire que le FN est devenu le premier parti de France avec 25% de 43% de Français, alors que 57% des électeurs ne se sont pas déplacés, 3% ont voté blanc et 1,5 % des bulletins étaient nuls ? Quelle légitimité pourra-t-on accorder demain à un parti qui prendrait le pouvoir en ne représentant que 10% des Français alors que 60% n’ont exprimé aucune opinion?
La démocratie est menacée. La constitution de la Cinquième république ne répond pas aux attentes de notre époque car elle est responsable d’un système politique figé depuis trop longtemps et qui a failli. Il est près d’imploser au bénéfice de l’extrême-droite dont la montée est favorisée par l’abstention et la propagande médiatique qu’elle soit idéologique ou simplement stratégique dans le but de maintenir l’alternance libérale.
Alors, sans acrimonie de notre part et pour qu’ils s’engagent demain, nous adressons le message de Bertolt Brecht (poète et dramaturge allemand 1898-1956) à ceux qu’il appelle les analphabètes politiques :
« Le pire des analphabètes, c’est l’analphabète politique. Il n’écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne sait pas que le coût de la vie, le prix des haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et des médicaments dépendent des décisions politiques. L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales. »
Il n’est jamais trop tard pour s’instruire en politique. Contre la droite, l’extrême-droite et les libéraux de tous poils, il existe des alternatives à gauche dont celle du Front de gauche. Puisqu’on parle d’offre en politique, il y a une offre qui n’est pas celle des personnes mais celle des idées et des valeurs. Voter Front national en se disant de gauche n’a aucun sens, même s’il s’agit d’un vote contestataire. Le Front national n’est pas le porte-parole de la contestation mais celui de la xénophobie et de la haine.
L’opposition au libéralisme existe à gauche alors qu’elle n’est que, de façade, au Front national qui pratique le populisme de l’extrême droite dont la seule vérité est le rejet de l’immigré, de l’autre, de celui qui leur est étranger : le Juif, le Musulman…etc. Plutôt que dé désigner des « races » et de tomber sous le coup de la loi, l’extrême-droite désigne des religions ou des communautés. Avec eux, le bouc émissaire reste toujours le même : l’envahisseur étranger. Leur idéologie fascisante fait de l’immigration la responsable de tous les maux et la base de toutes leurs actions.
Le Front national est un parti politique qui a fonctionné comme une autocratie avec à sa tête Jean-Marie Le Pen. Il est devenu une entreprise politique familiale avec la fille et la petite fille. La famille Le Pen voudrait-elle créer une dynastie dans une société de « filles et de fils de » ? Il faut dire que l’exemple de ces dynasties se multiplie dans le monde politique mais aussi dans d’autres secteurs : affaires, média, chanson, cinéma...etc. Faut-il avaliser un droit du sang jusque dans la gouvernance des partis politiques ?
Comment peut-on se laisser tromper par la Front national si l’on n’est pas soi-même xénophobe ? Comment croire que la fille est différente du père et que la petite-fille est différente du grand-père qui assure une présence tutélaire. Rappelons que Jean-Marie Le Pen s’affichait comme partisan du capitalisme ultralibéral et récidiviste des insinuations racistes et négationnistes. Alors si l’on a eu la faiblesse de croire que le Front national ne représente qu’un vote contestataire, il est temps d’y réfléchir. Le vote Front national est un vote xénophobe qui a servi à l’alternance UMP et PS. Aujourd’hui, le vote dit « républicain » ne fonctionne plus et les électeurs déboussolés se sont en grande majorité réfugiés dans l’abstention. Là où les autres partis régressent, le FN se maintient et l’abstentionnisme transforme en victoire ce maintien. Pendant que la démocratie s’affaiblit, le FN se renforce en nombre d’élus et en médiatisation. Les fiascos électoraux sont transformés abusivement en victoires médiatiques du FN et occultent l’émergence de nouvelles forces politiques. Pour sortir de cette crise démocratique et de la stratégie du « vote républicain », il est temps de renouveler le paysage politique en France en donnant la parole à de nouvelles formations comme ENSEMBLE au sein du Front de gauche. Ces nouvelles formations ont des valeurs à défendre et des solutions à proposer en plaçant toujours l’humain d’abord. La Gauche doit être progressiste et sociale. Elle n’a pas vocation à devenir libérale et conservatrice.
U Barbutu
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