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La France, patrie des droits de l'homme?
François Hollande veut donner l’illusion qu’il pèse sur les affaires du Monde pour oublier l’annus horribili qui l’a vu sans cesse descendre toujours plus bas dans les sondages. S’il y avait des primaires socialistes, il ne recueillerait que 7% des suffrages derrière Valls, Aubry, Montebourg et même Ségolène Royal. La gestion lamentable de sa vie privée et sa politique calamiteuse l’ont descendu là où il est. Pour en sortir, il gesticule. Le 15 septembre dernier, il a réuni à Paris une « grande conférence internationale pour la paix et la sécurité en Irak », pendant qu’il restait apathique sur ce qui se passait à Gaza. Ses seules vraies victoires sont les libérations d’otages, malgré quelques défaites et quelques morts trop vite oubliés.
Le bilan de Sarkozy était abyssal. Il nous a conduits au bord du gouffre et François Hollande nous fait faire un pas en avant. Le journaliste René Naba a dressé un petit inventaire de la situation dans un article publié sur le site Madaniya : Du déshonneur de Gaza, au revers de Syrie, à la stigmatisation génocidaire au Rwanda, la Crimée perdue, une dette publique de l’ordre de 2.000 milliards de dollars, un triple camouflet électoral présidentiel, couplé d’une cuisante humiliation aux élections européennes avec la promotion de la France au titre peu envieux de «champion d’Europe de pays le plus xénophobe» dans la foulée du triomphe du Front National, une popularité au plus bas, une économie anémiée, la France a offert le spectacle d’une diplomatie déconnectée des nouveaux rapports de puissance.
A force de pratiquer une morale à géométrie variable, on perd toute crédibilité. Bachar Al-Assad est pointé du doigt comme étant un dictateur sanguinaire, ne méritant pas d’être sur terre et il importe d’abattre son régime rapidement, selon les termes employés par Fabius en juillet 2012. Cela n’empêche pas nos gouvernants de s’appuyer sur ce que l’on nomme encore la Françafrique et quelques dictateurs comme le Tchadien Driss Déby. Bachar Al-Assad est toujours là et la Syrie est en partie livrée à l’anarchie et la barbarie de rebelles islamistes à qui François Hollande projetait de livrer des armes, comme Sarkozy l’avait fait en Lybie.
Quelle image offre la France au Monde ? Passons sur le scooter présidentiel, il reste le livre de Valérie Trierweiler. Du côté de Sarkozy, il y a tous les scandales liés aux financements de ses campagnes présidentielles : Kadhafi et ensuite Bygmalion. On ne compte plus les scandales politiques en tous genres : rétro-commissions Karachi, DSK, Cahuzac…etc. La France est plongée dans le chaos moral et veut encore se poser en prescripteur des droits de l’homme. Des journalistes indépendants nous interrogent : La classe politique française constitue-t-elle vraiment un exemple? Son alliance avec les forces les plus répressives et les plus régressives du Monde arabe, un exemple à suivre? La France dispose-t-elle encore de l’autorité morale pour prescrire le bien ou le mal? La France est-elle encore un exemple?
Pour reprendre l’article de René Naba déjà cité, il y fait le constat qui suit :
Mauvais calculs sur base de mauvaises alliances, sur fond de morgue et de suffisance, la bataille de Damas s’inscrira rétrospectivement dans la lignée des grands désastres militaires français qui ont jalonné l’histoire de la conquête française du Levant depuis trois siècles, du coup de Trafalgar, au XVIII me siècle, à l’agression tripartite de Suez, en 1956, à l’entourloupe de la Syrie, en 2011-2014. Revers majeur de la France, elle illustre le degré zéro de la politique française, un naufrage stratégique irrémédiable d’un pays qui se targue de la rationalité cartésienne.
L’histoire retiendra que la France, artisan du démembrement de la Syrie dans la décennie 1930, aura été l’un des pays les plus actifs dans sa désarticulation, soixante-dix ans plus tard. Un retour du refoulé du fait de son passif post colonial non purgé et de la surprenante survivance d’une «mentalité de colonisé» parmi les binationaux franco syriens de l’opposition, d’une manière plus générale au sein d’une fraction des binationaux franco arabes.
Près de cent ans après le démembrement de la Syrie, la malédiction d’Iskandaroune (Alexandrette), tel un lointain effet boomerang, frappe de plein fouet l’ordonnateur de ce saccage, la caution de tous les vandales contemporains… Des stèles de Tombouctou, aux fresques millénaires de Libye, aux vestiges archéologiques de Syrie, conséquences de péripéties guerrières encouragées par la France.
La Syrie pour la France aura été son Trafalgar du XXI me siècle. La France a cessé de faire illusion. La sanction de sa posture aporétique.
Oh ! Combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis!
Combien ont disparu, dure et triste fortune!
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfouis !
Victor Hugo (1802-1885) Oceano Nox
Décidément Hollande n’échappe pas aux métaphores marines et le capitaine de pédalo n’est jamais loin des commentaires. Aujourd’hui, nous n’avons plus d’otage français dans le Monde. Le dernier vient d’être libéré. C’est une grande joie. Pour autant, quelle sera la politique française dans la région où il avait été enlevé et où l’entreprise Areva puise son uranium ? Certes l’urgence est humanitaire et le danger terroriste pas définitivement écarté au Mali mais cela n’empêche pas de reposer la question du pillage des ressources minières des pays africains et des dictatures qui y sont entretenues par un néo-colonialisme partout présent. Comment peut-on traiter avec des dictateurs et ensuite les désigner à la vindicte internationale ? Hier, il s’agissait de Saddam Hussein, de Kadhafi, de Ben Ali, de Moubarak… Aujourd’hui de Bachar Al-Assad. Qui d’autre demain ? Le Turc Erdogan ? l’Azéri Heydar Aliev ? La liste est malheureusement longue et tous les dictateurs ne sont pas traités à la même enseigne contrairement aux promesses faites par le candidat Hollande en 2012… Le Moyen-Orient et l’Afrique sont des zones de guerre et de non-droit. On se pose toujours la question liée à l’Histoire du colonialisme et du capitalisme: la faute à qui ? Si la déclaration des droits de l’homme n’est qu’une déclaration de principes bafoués par ceux qui s’y réfèrent, comment s’étonner que d’aucuns préfèrent le coran, la bible ou la torah ?
En 2012, François Hollande aurait pu changer de cap. La constitution de la cinquième république lui en donnait les pouvoirs. Au lieu de choisir une alternative humaniste au cynisme politique en vigueur, il n’a pas montré le courage politique du changement qu’il avait promis à ses électeurs. Martine Aubry avait parlé de « gauche molle » et il n’a même plus été question de gauche. L’homme des compromis s’est « compromis » dans une politique à court terme en n’atteignant aucun de ses objectifs économiques, puisqu’il ne s’est agi que de cela. Sa stratégie libérale a fait de lui le piètre successeur de la politique déjà menée par son piètre prédécesseur. Ses gesticulations sur la scène internationale ne sont pas de nature à redorer son blason. Il a contribué à l’idée que se font des Français de plus en plus nombreux : les élections ne sont que des parodies démocratiques qui utilisent les mots de peuple, nation, démocratie, république, patrie, souveraineté, liberté, fraternité, égalité et droits de l’homme. Autant de concepts humanistes qui cachent le cynisme des gouvernants dont ils ne constituent qu’un enduit de façade. Tout se trame dans les coulisses du pouvoir et concourt à maintenir l’ordre établi au prix de tous les désordres utiles. De ces désordres, le Front national est là pour en tirer profit. Il réclame aujourd'hui le rétablissement de la peine de mort et, à travers Marine Le Pen et l'avocat frontiste Collard, justifie la torture.
Pidone
Tags : France, Moyen-Orient, Afrique, Sarkozy, Hollande, FN, Marine, Collard, toture, dictateurs, Syrie, Irak, Turquie
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