• Le blabla de Marine

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    Revenons sur la dernière émission « Des paroles et des actes », Marine Le pen a continué à brouiller le débat politique, reprenant des pans entiers de critiques du Front de gauche vis-à-vis de la politique d’austérité et de l’Union Européenne. A tel point que Alain Lamarousse, tête de liste UMP aux Européennes, a dit, sous forme de boutade, en quittant le studio : «  Je croyais être venu débattre avec Marine Le Pen et je termine avec Jean-Luc Mélenchon ». Elle a même trouvé quelques valeurs partagées par le Front National avec Jean Jaurès et le général de Gaulle. C’est dire le niveau de confusion qu’elle entretient dans sa stratégie de communication. Toutefois lorsqu’on lui pose des questions précises, elle noie le poisson jusqu’à ce qu’on en oublie la question et sa réponse devient alors indéchiffrable en dehors de sa rengaine sur l’immigration. Lorsqu’elle a en face d’elle des adversaires radicaux, elle commence par faire des mimiques avant de mettre en cause leur intelligence ou leur intégrité. Elle ramène toutes les questions à l’immigration qui, selon elle, est le mal de tous les problèmes des Français. Pour redresser l’économie, il faut expulser les immigrés. Pour réduire le chômage, il faut expulser les immigrés. Pour plus de sécurité, il faut expulser les immigrés…

    L’inénarrable David Pujadas avait soigneusement choisi le duo des journalistes qui ont apprécié la performance de la présidente du FN. Dans le duo, Anne Fulda, une journaliste du Figaro (On s’en serait douté) a trouvé excellente Marine Le Pen dans les joutes qui l’ont opposée au président du rugby club de Toulon, Mourad Boudjellal et à Jean-Pierre Mercier un syndicaliste de la CGT Peugeot. Un avis sans nuance et partisan  contre les bêtes noires du Figaro. Marine Le pen avait fustigé Mourad Boudjelall avec des attaques personnelles sans lui répondre sur le fond et elle n’a pas dominé le syndicaliste de la CGT mais a réussi à le mettre en colère. Cette journaliste de droite a toutefois trouvé Marine Le Pen moins bonne sur les questions économiques (on s’y attendait)  avant de balbutier et de modérer son jugement devant les gros yeux de la Présidente du FN lui demandant à quel titre elle jugeait un programme économique. Cette attaque a semblé déstabiliser la journaliste qui la commente sur sa page du Figaro : « C'est qu'on a beau dire, et surtout lorsqu'on n'est pas un habitué de ce type de grand-messes, Marine Le pen est une candidate qui impressionne. Elle exécute, elle flingue, elle dynamite. Avec une prédilection pour les journalistes, l'une de ses chairs à canon favorite. Lorsque je rejoins la table, je sens mon cœur qui fait boum. Je n'arrive pas à prononcer la moitié de ce que je voulais dire. Elle me sourit avec condescendance, puis me balance «au nom de quoi, qui êtes vous pour juger les mesures que je propose?» J'hasarde «Je suis une citoyenne». Il faudra améliorer la prestation…. Fin de la séance. » Hervé Gattegno, de son côté, s’est montré inodore et sans saveur : sans parti pris contrairement à sa chronique chez Jean-Jacques Bourdin sur RMC. Il était présent au titre de l’édition française de Vanity Fair, un magazine d'origine américaine des Éditions Condé Nast, qu’il a rejoint en 2013. Ce magazine est un  mélange de glamour et d'investigations mais aussi un support d’encarts publicitaires.

    Les Saint-Cricq, Lenglet, Wintenberg et Pujadas ont été en dessous de leur nocivité habituelle contre la gauche et n’ont pas fait le poids face à la démagogie de la présidente du FN.  Quoiqu’en disent tous ces commentateurs étrangement condescendants, Marine Le pen a fait une fois encore la preuve d’un discours racoleur avec pour solutions à la crise, la xénophobie, le nationalisme et le protectionnisme. Elle abuse des vraies raisons de s’opposer à la politique libérale pour servir  la même idéologie fascisante qui lui fait rechercher des alliés auprès de tous les extrémistes de la droite européenne.

    En résumé, pour Marine Le pen, « Il devrait y avoir zéro régularisation car dès que vous régularisez quelqu’un qui est entré en violant la loi, vous lancez un signal de laxisme inouï au monde entier ». L’assimilation des étrangers « commence par l'école, le creuset républicain. Il faut supprimer les cours de langues et de cultures d'origine… Il faut lutter contre le communautarisme, tout ce qui vise à enfermer quelqu'un dans sa communauté d'origine, ce qui le coupe de ce creuset républicain. Cela n'est possible que quand il n'y a pas trop d'étrangers ». Elle est contre le droit du sol car « la nationalité française s’hérite ou se mérite ». Elle veut que « les Français soient les premiers servis chez eux ». Elle propose un référendum pour supprimer le droit du sol. En ce qui concerne l’Europe, elle reprend à son compte les critiques (chômage massif, désindustrialisation et délocalisation). Elle rend l’Euro responsable de tout (asphyxie de l’exportation, augmentation des déficits, problèmes de compétitivité). Elle s’est lancé dans une charge virulente contre la monnaie européenne et préconise le retour aux monnaies nationales et a déclaré : "On n'aura plus de monnaie unique mais une monnaie commune, on va revenir dans ce tuyau européen avec des parités fixes mais ajustables, ce qui marchait plutôt bien. Chaque pays aura sa monnaie nationale et il y aura une monnaie commune. Je pense que le choix sera fait par l’ensemble des pays européens. Il n’ya pas que la France qui remet en cause l’euro".  

    Dans toutes ses réponses, nous n’avons trouvé aucune allusion à une politique sociale et solidaire. Ce n’est pas l’invité Jean-Claude Volot, conseiller de Pierre Gattaz au Medef qui pouvait aborder le sujet.  Sur le plan national, la seule solution claire de Marine Le pen est la politique d’immigration associée à la préférence nationale. C’est la pierre angulaire d’un discours démagogue qui n’a comme ossature que l’idéologie portée depuis des lustres par l’extrême droite. Cette  idéologie ne trouve son terreau que dans les grandes crises économiques et le chômage massif. Elle donne toujours la même solution catastrophique à de vrais problèmes sociaux.

    Yann Galut a remplacé au pied levé le Président du Parlement Européen, Martin Schulz, candidat social-démocrate à la Présidence de la Commission Européenne, qui devait débattre avec Marine Le pen. Cette dernière, bien trop prudente, avait préféré décliner ce type de confrontation. Face à Yann Galut, député PS auteur de l’ouvrage « Le guide anti-FN », Marine Le pen se déchaînait, empêchant son interlocuteur de parler. Là encore, elle s’ingénie plus à démolir celui qui lui pose des questions qu’à donner des réponses intelligibles. Elle part dans tous les sens et assène des jugements invérifiables en direct.

    Sur la forme, Yann Galut a adopté un langage posé et argumenté. Des arguments et des questions principalement sur trois thèmes : Le protectionnisme intelligent prôné par Marine Le pen, la sortie de l’euro et sur la politique économique à géométrie variable du FN qui n’a aucune position vraiment arrêtée.  Alors que son père défendait une doctrine ultralibérale et se réclamer de Ronald Reagan allant jusqu’à promettre la suppression pure et simple de l’impôt sur le revenu (Relire les programmes des années 1980),  Marine Le pen propose aujourd’hui des mesures de droite dans le sud de la France et des mesures de gauche dans le nord de la France, en fonction de la sociologie de son électorat potentiel. Elle a créé le discours économique bipolaire. Yann Galut a seulement le tort de croire qu’un débat démocratique est possible avec celle qui s’est ingénié à couvrir sa voix. Il aurait dû hausser le ton comme elle l’a fait.

    Marine Le pen n’a pas été convaincante et s’est même emmêlée les arguments. Quand Yann Galut lui a demandé de préciser concrètement les propositions du FN, Elle s’est montrée incapable de répondre. Lorsqu’elle se sent coincé, elle fait son numéro habituel de  grande défenderesse du peuple français.

    «Marine Le pen n'a pas eu de traitement de faveur » peut toujours déclarer Thierry Thuillier, le directeur des programmes et de l'information de France 2. Pourquoi avoir renoncé à l’invitation de Martin Schulz à la demande de Marine Le pen ? L’explication donnée est qu’elle a le droit de refuser un débatteur mais qu’elle n’intervient pas dans le choix des journalistes. Comment expliquer le choix des deux journalistes ( l'une du Figaro et l'autre d'un journal américain) pour conclure l’émission ? Récemment encore dans "Le Grand Journal" sur Canal+, Brice Hortefeux avait refusé de débattre avec Edwy Plenel. Les deux hommes s'étaient finalement exprimés l'un après l'autre en plateau. Cela n’a pas été le cas pour monsieur Schulz dans « Des paroles et des actes ».

    La situation du FN est surévaluée par les médias et David Pujadas est allé dans ce sens pour annoncer son émission. Ramené au vote dans l’ensemble du pays, les résultats des listes FN ne représentent cependant que 4,78% des voix exprimées. On peut retenir surtout la forte abstention. Le succès frontiste aux élections municipales est très relatif malgré l’exploitation faite d’un contexte de crise économique sévère. Il a bénéficié de l’abstention, des divisions, des affaires politico-financières et de l’impopularité du vote utile. Ce n'est pas un vote d'adhésion. En nombre d’électeurs, le résultat n’est pas à la hauteur de la publicité qui est faite au FN. On relève quelques victoires prévisibles qui pourraient devenir une mauvaise affaire pour l’image de ce parti xénophobe. Ce sont des équipes inexpérimentées coupées de la société civile qui vont gérer des villes sinistrées Marine Le pen le sait. Elle s’est déjà démarquée des maires frontistes investis d’une autonomie totale et surtout d’une responsabilité non assumée par leur présidente.

    Rue 89 compare la dernière émission des paroles et des actes à un jeu vidéo :« Super Marine, des heures durant, pulvérise les bananes, dézingue les boucliers, et gagne des vies. Bing, bing, bing », lit-on dans l’article. Il faut dire qu’on lui a confié la télécommande. Il y a certainement un jeu dans cette émission bidonnée car on se joue de l’auditeur. Marine Le pen a imposé son discours en boucle sur l’immigration sans rencontrer de réels contradicteurs chez les journalistes qui avaient en charge de l’interroger. Aucun n’a relevé le mépris qu’elle a affiché pour les deux seuls véritables contradicteurs. Il faut dire qu’ils ne faisaient pas partie du gotha mèdiatico-politique réuni sur le plateau. Elle a pu, à sa guise, zapper sur tout ce qui dérange ses paroles toutes faites. Pour les actes, elle préfère sans doute ne pas révéler les alliances qu’elle passe avec le fascisme international. Ce fut une émission de propagande et non pas d’information. Nous n’avons retenu que l’intervention de Jean-Pierre Mercier qui a dû se sentir bien seul au milieu de cet aréopage de joueurs et truqueurs.  

    Le Front national n’a subi qu’une évolution de forme avec Marine Le pen. Le fond n’a pas varié. Elle mène une stratégie de dédiabolisation avec la passivité et la connivence d’une partie du pouvoir médiatique qui ne fait passer que la simple dénonciation et ne s’attache pas à en démontrer la supercherie lorsque Marine Le pen propose tout et n’importe quoi sans répondre aux vraies questions.

    Alors que les élections européennes se dérouleront en mai prochain, Marine Le pen et le Front National utilisent le mécontentement pour proposer le repli national et le centralisme politique. Derrière son argumentation populiste, l’idéologie qu’elle porte est celle de l’exclusion et de la confrontation. En excluant les autres peuples, elle exclue à rebours la France pour en faire une nation isolée. Au lieu de chercher la solidarité des autres peuples européens malmenés par cette Europe de la finance, elle participe à la division et à l’affaiblissement des forces sociales. Les seules alliances qu’elle a sollicitées en Europe sont celles politiques de mouvements fascistes et néo-nazis. Elle n’est pas plus l’ennemi de la finance que François Hollande et n’a jamais remis en cause le système capitaliste si ce n’est qu’elle le préfère en francs plutôt qu’en euros. Le Front national n’a jamais été présent dans aucune lutte sociale mais s’illustre dans des contestations sociétales avec les forces réactionnaires comme le mouvement contre le « mariage pour tous ». Le référendum et l’arme pour clore les débats qui la gênent. Ce n’est qu’un point de fuite. Le peuple lui sert de paravent. Sa rhétorique est simple mais elle satisfait les commentateurs qui lui accordent un grand professionnalisme dans le jeu des médias.

    Il est inquiétant que ce que l’on appelle la grande presse soit entrée dans un jeu politique qui consiste à faire croire que le Front national aurait évolué vers une idéologie républicaine et démocratique. Tout est fait pour appuyer les calculs politiciens du bipartisme et faire croire que le Front national a des points communs avec le Front de gauche. Pour les nantis, le Front de gauche est plus dangereux que le Front national et c’est donc la contestation sociale que l’on craint plus que l’extrême-droite réactionnaire. C’est à chacun d’ouvrir les yeux et de ne pas tomber dans ce piège qui a, dans le passé, laissé des traces dont il faut se souvenir. Partout, l’extrême-droite n’a jamais été une solution mais a toujours été un problème porteur de tragédie.

    Quand elle sera au pouvoir, Marine Le pen dit qu’elle  rendra le pouvoir au peuple. Dans le fil de son discours, on s’aperçoit qu’elle utilise l’argument du « référendum » chaque fois qu’elle n’a pas d’argument valable pour défendre une de ses idées. Par exemple, elle fera un référendum pour annuler le « mariage pour tous », pour sortir de l’Euro… Jean-Pierre Mercier a eu raison de récuser au Front national le droit de se présenter comme le parti des ouvriers. Il reste le parti de la haine.

    Marine Le pen ne joue pas le jeu du débat démocratique. Elle veut faire la loi sur les plateaux de télé en bluffant et elle y réussit. Elle exploite les frustrations et la colère légitime des Français envers une Europe qui ne les protège pas. Elle ne propose rien si ce n’est à chaque problème son bouc émissaire. Son discours est vain et sans solution concrète. Elle répète des slogans manipulateurs qui peuvent séduire alors qu’ils sont dangereux si on analyse leurs conséquences. Elle a réfuté un temps l’étiquette d’extrême-droite. Elle voudrait faire croire que le Front national n’est ni de droite ni de gauche. Jusqu’où ira-t-elle dans le cynisme et l’hypocrisie ? Elle a déjà démontré qu’elle n’a pas de limite.

    Battone

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