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Le dumping fiscal européen
José Manuel Durao Barroso, ultralibéral et atlantiste notoire, a quitté la présidence de la commission européenne mais les lobbies de la Finance n’ont as perdu au change avec l’arrivée de Jean-Claude Junker, ancien premier ministre luxembourgeois. Même en tant que chef du gouvernement, il continuera à exercer les fonctions de ministre des Finances, ministre du Travail et de l'Emploi et ministre du Trésor. Juncker participa au Conseil pour les affaires économiques et financières (ECOFIN), étant un des architectes clefs du traité de Maastricht, et notamment de ce qui relevait de l'Union économique et monétaire. En 1998 il est devenu le quatrième destinataire de la Vision pour l'Europe Award, honneur accordé annuellement depuis 1995 par l'Edmond Israël Foundation afin d'exprimer « la reconnaissance de contributions exceptionnelles dans la modernisation de l'Europe ». Edmond Israël est décédé en 2014 à l’âge de 86 ans. A son décès, on pouvait lire dans la presse « Avec la disparition du président honoraire de Clearstream, la place financière luxembourgeoise a perdu une de ses figures les plus emblématiques et attachantes ». D’abord employé au service de la Bourse et des valeurs mobilières, il pilota la cotation du premier emprunt euro-obligataire en Bourse de Luxembourg: l’emprunt Autostrade, lancé le 17 juillet 1963, pour un montant de 15 millions de dollars US. En 1973, il accéda aux fonctions de directeur général et occupa ce poste jusqu’à son départ en retraite en 1989, tout en créant Cedel (devenu Clearstream International) dont il présida le conseil d’administration pendant vingt ans, avant d’en être président honoraire. Jusqu’à sa mort, il occupait un bureau au sein de la banque au Kirchberg. Il avait le profil type du lobbyiste luxembourgeois de la finance. L’obtention de la récompense délivrée par sa fondation est sans aucun doute celle de la construction de cette Europe de la Finance avec sa Troïka.
Jean-Claude Junker est l’ancien ministre d’un pays qui apparaît comme un paradis fiscal. Jusqu’à présent, aucune réelle enquête n’avait permis de comprendre l’ampleur de l’action luxembourgeoise dans le domaine de la fraude fiscale organisée. La presse vient de révéler qu’une enquête de six mois, baptisée «Luxembourg Leaks», a été réalisée par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) et publiée par 40 médias internationaux dont le Monde. Les investigations menées démontrent comment des milliards d'euros de recettes échappent aux Etats, alors que les multinationales y réalisent d'importants bénéfices en échappant au Fisc. Ainsi, grâce à des accords secrets conclus avec le Luxembourg entre 2002 et 2012, 340 grandes entreprises, dont Apple, Amazon, Ikea, Pepsi ou Axa ou encore le Crédit agricole, parviennent à minimiser leurs impôts.
A la fraude institutionnalisée des multinationales, il faut ajouter les 300 français soupçonnés d’évasion fiscale sur des comptes ouverts à l’UBS suisse.
L’enquête menée par l’ICIJ s’est faite sur la base de 28.000 documents qui ont permis de décortiquer les mécanismes parfois complexes mis en place. Le principe de la « Tax Ruling » permet aux multinationales d’obtenir à l’avance la fiscalité à laquelle elles seront soumises par l’administration fiscale d’un pays et d’obtenir des garanties juridiques. Ce principe légal est utilisé par le Luxembourg pour être le pays européen le plus attractif et devenir un paradis fiscal au sein de l’Europe. Les multinationales créent des sièges sociaux luxembourgeois proches de la simple domiciliation, alors que toutes leurs activités et toutes leurs productions se font dans les autres pays. Elles transfèrent ensuite tous leurs profits dans le Grand-duché pour être taxés au minimum. Des cabinets d’audit ont été missionnés pour chercher la meilleure fiscalité, négocié et rédigé les conventions fiscales avec l’administration luxembourgeoise. Ce sont de véritables filières qui canalisent des centaines de milliards d’euros à travers le Luxembourg…. «Certaines entreprises ont eu des taux d'imposition effectifs de moins de 1 pour cent sur les bénéfices», précise l'ICIJ.
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«Ces révélations seront embarrassantes pour le nouveau président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, qui a été Premier ministre du Luxembourg entre 1995 et 2013, soit pendant la période où les accords mentionnés par l'ICIJ ont été signés», souligne le journal Guardian.
La Commission européenne a ouvert des enquêtes sur la pratique fiscale de «tax ruling» visant des Etats membres et l’une d’elle porte sur des accords passés par le Luxembourg avec Fiat Finance and Trade, qui fournit des services de gestion de trésorerie au groupe automobile Fiat. D’autres états sont visés: l'Irlande avec Apple notamment. Avec un Luxembourgeois à la présidence de la commission, on peut s’interroger sur la partialité de ces enquêtes. Il faut rappeler que Jean-Claude Junker, ministre des finances luxembourgeois pendant 18 ans, a été le candidat adoubé par le parti socialiste français.
L'OCDE vient de faire de recommandations contre « l'optimisation fiscale », expression pudique qui désigne la fraude organisée. Pierre Gramegna, le ministre actuel des Finances luxembourgeois, défend dans Le Monde la pratique de «tax ruling» en déclarant : «Elle fait partie de notre patrimoine et nous voulons la perpétuer dans le respect des règles».
Les multinationales n’ont pas de soucis immédiats à se faire. Le principe qui permet la fraude est parfaitement légal au regard du droit européen. Il est appliqué dans de nombreux États membres de l'UE, y compris en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore au Royaume-Uni… et en France où l’on donne des crédits d’impôts à des multinationale qui sont libres de choisir le mieux disant fiscal à l’Etranger.
L’Europe a organisé le dumping social mais aussi le dumping fiscal. Pour le dumping social, après le plombier polonais, nous avons eu le travailleur européen détaché avec ses dérives en France où le chômage ne fait qu’augmenter. Pour le dumping fiscal, nous avons le fisc luxembourgeois. Il ne reste plus que TAFTA (et la création du marché libre transatlantique pour parfaire cette œuvre européenne pour laquelle la fondation Edmond Israël a déjà récompensé Jean-Claude Trichet, Angela Merkel, Javier Solana, Guy Verhofstadt, Árpád Göncz, Willem F. Duisenberg, Jean-Claude Juncker, Helmut Kohl, Jean-Luc Dehaene ou encore Jacques Santer. Ce dernier, comme Jean-Claude Junker a été premier ministre luxembourgeois et président de la commission européenne. A croire que cette commission aime bien le Luxembourg.
Tout a été fait pour que l’économie ultralibérale se mette en place contre les peuples. Ce n’est pas une Europe solidaire qui est construite mais une Europe dans laquelle tout est mis en concurrence y compris les salaires et les taxes. C’est une Europe de l’injustice sociale et de l’injustice fiscale. La nomination de Jean-Claude Junker à la présidence de la commission européenne ne fait que confirmer ce que le Front de gauche dénonce. C’est cette Europe qui jette une partie des peuples dans l’extrême-droite et l’ultranationalisme.
Contre la casse sociale, la fraude et l’évasion fiscale, pour une Europe des peuples, une Europe solidaire, rejoignez le mouvement ENSEMBLE du Front de gauche, représenté en Corse par Manca alternativa.
U fisciatu
Tags : Tax ruling, Luxembourg, Europe, fiscalité, fraude, évasion, Junker, Edmond Israël
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