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Le paradoxe radical de gauche...
Voilà ce que l’on peut lire sur le blog de Paul Giacobbi avec le titre Paradoxe helvétique: « Pour les français, la Confédération helvétique est synonyme d’un capitalisme financier dont l’attachement à la morale est assez éloigné des exigences de la doctrine calviniste. Pourtant cette image devrait évoluer à mesure que la Confédération, l’une des plus forte, des plus anciennes et des plus authentiques démocraties d’Europe, a parfois le courage d’apporter des réponses substantielles aux vraies questions que l’on peut se poser à propos du capitalisme financier. En imposant par la voix du peuple une limitation des rémunérations abusives des salaires de leurs grands patrons, les suisses nous donnent peut-être l’exemple et nous démontrent que l’on peut concilier une économie moderne et prospère avec des exigences morales. Une rémunération sans limite des salaires des dirigeants est non seulement moralement contestable puisque ces dirigeants ne risquent pas leur argent dans l’entreprise mais celui de leurs actionnaires mais elle est également inefficace sur le plan économique puisqu’elle ne garantit aucunement une bonne gestion d’autant moins d’ailleurs que l’on a pu observer depuis quelques années qu’aucune diminution de bonus, parfois bien au contraire, ne venait sanctionner les fautes de gestion les plus criantes. C’est donc un exemple à méditer et à imiter puisque les Suisses l’ont fait, il n’y a plus aucune raison que la France ne les suive pas dans cette voie ».
En France, il n’est point besoin de méditer et d’imiter la Suisse. Un président et un gouvernement sont élus pour faire une politique de gauche. Un référendum est inutile sur ce sujet. Il suffit d’une volonté politique. On en parle depuis longtemps et il suffit que François Hollande dise : « Moi, Président de la république, je le fais ! » même si cela ne fait pas partie de l’anaphore du candidat qu’il a été. Il avait promis de limiter l’échelle salariale ; Jean-Marc Ayrault avait parlé d’une échelle de 1 à 20 mais, pour l’instant, il se contente de faire appel au patriotisme du patronat. Au sein des entreprises contrôlées par l’Etat, on avait même évoqué un plafond de 400.000 € annuels. C’était en mai 2012. Depuis lors, il est urgent d’attendre. « Le changement, c’est maintenant » n’était qu’une formule éphémère, le temps de la campagne électorale. Là où une loi suffirait en France, les Suisses ont pris le temps d’organiser un référendum malgré leur lenteur légendaire.
Comment ne pas être d’accord sur l’idée de limiter les rémunérations des dirigeants d’entreprises, en mettant de côté la référence aux exigences de la doctrine calviniste qui seraient à développer lorsque l’on sait qu’au pays de Calvin (l’une des plus forte, des plus anciennes et des plus authentiques démocraties d’Europe selon Mr Giacobbi), l’argent est roi ? La confédération calviniste a plus de sept cents ans. La Suisse se voulait propre jusqu’à l’asepsie mais reste la plaque tournante de l’argent sale. Selon les préceptes de Calvin, les facultés d’une personne peuvent consister en “argent comptant ”, auquel on réserve un accueil complice en l’entourant d’une sollicitude faite de discrétion, de réserve et de pudeur. Des arbalètes aux canons, du lait de vache au sang versé par les despotes, du chocolat à la drogue, ce pays a tout accepté de l’argent. Les fonds gérés par les banques suisses sont estimés à plusieurs milliers de milliards d’euros, de dollars et de francs suisses… Sous la pression de l’opinion publique internationale et surtout des Etats Unis, le secret bancaire suisse est toutefois devenu moins étanche que les montres Waterproof. L’anonymat est cependant toujours réservé aux fraudeurs du fisc mais les livres de banque s’entrouvrent lorsqu’il s’agit de criminels. Malgré son référendum sur les rémunérations des patrons du Privé, la Suisse n’est pas un modèle de pureté morale mais le coffre fort de la politique ultralibérale et des milliards de la mondialisation.
Par ailleurs, pour revenir aux exigences du Calvinisme, la plupart des colons inspirés par cette religion puritaine s'établirent dans les États Mid-Atlantic et en Nouvelle-Angleterre. Cela incluait les puritains anglais, les huguenots français, les colons hollandais de la Nouvelle-Amsterdam, et les Scots d'Ulster presbytériens de la région des Appalaches. Les colons néerlandais calvinistes furent également les premiers européens à réussir à coloniser l'Afrique du Sud au XVIIesiècle. Ils furent plus tard nommés les Boers ou Afrikaners. Ils sont à l’origine de la ségrégation raciale. Passons sur la Sierra Leone et autre entreprises coloniales. Heureusement ils ne sont pas venus en Corse imposer leurs exigences, même si d’autres l’ont fait à leur place.
Limiter les rémunérations patronales est une bouée de sauvetage du système capitaliste et cela ne résoudra pas la faillite de ce système qui a jeté des millions de gens dans la misère. En outre, depuis le temps que l’on parle de les limiter, les rémunérations patronales n’ont fait qu’augmenter. La crise financière n’a rien changé pour eux et les milliardaires (plus riches et plus nombreux). En revanche, elle conduit les gouvernements ultralibéraux et socio-libéraux à des politiques d’austérité imposées par les agences de notation qui sont des organismes au service des banques. Pour l’heure, on ne parle que de limiter les salaires du peuple, de le faire travailler plus et dépenser plus pour acheter moins.
Si Mr Paul Giacobbi se montre favorable à un capitalisme conforme à une certaine morale, il fait l’aveu d’une politique favorable au système capitaliste qui est bien loin des exigences de la doctrine socialiste et de celles de la Gauche en général. On peut appeler cela le paradoxe radical de gauche..
Battone
Tags : Corse, Suisse, Giacobbi, Radical, Gauche, Patronat, rémunérations, référendum, Hollande, PS
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