• Les paroles et les actes d'une tartuferie libérale

    Hier soir, David Pujadas a réuni quelques libéraux autour du Ministre du Travail qui a joué le Sapin de Noël pour les entreprises. Nous usons de la métaphore car notre ministre avait l’humeur métaphorique et nous avons eu droit à celle du bateau France dont le gouvernement Ayrault, sous la houlette du capitaine de Pédalo, a colmaté les brèches avant qu’il ne coule. Maintenant, il faut le faire avancer, dit-il avant de défendre le pacte de responsabilité, c’est-à-dire de nous mener en bateau devant un auditoire acquis à sa cause : deux patrons et un syndicaliste réformiste. Quelle présentation hypocrite du pacte sous une argumentation qui n’est qu’un verni trompeur dont les énarques sont coutumiers.

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    François Lenglet, philosophe économiste de service a sorti un de ses tableaux : un véhicule dessiné avec le coût des charges salariales et l’allégement de 4% par la suppression des cotisations familiales. Allant dans les sens des patrons qui en veulent toujours davantage, il demande si 100€ par voiture c’est suffisant pour créer des emplois ? Le ministre lui fait remarquer qu’il a choisi un exemple où le coût du travail est le moins élevé, ce qui minimise l’importance de l’allégement des charges par rapport notamment aux activités de service. L’expert qui est là pour rendre les explications moins abstraites ne fait que brouiller la réalité, caricaturer  et tordre par ses courbes la vérité économique et sociale. Il a voulu minimiser l’importance du cadeau fait au patronat devant un ministre qui en fait la décision la plus importante depuis la nuit des temps en faveur des entreprises, oubliant tous les cadeaux antérieurs.

    Olivier Besancenot est hors plateau, tenu à distance par « la conjuration des inégaux »[1]. Lorsqu’on l’interroge, il fait remarquer que le dessin du philosophe-expert économique ne montre pas le montant du profit mais sa voix se perd et l’expert reprend sur les salaires des patrons du CAC 40 pour créer une diversion reprise tambour battant par la dame Barthélémy, patronne exemplaire de service pour minimiser le nombre des patrons voyoux. Michel-Edouard Leclerc vient l'épauler de façon plus diplomatique. Monsieur Besancenot à la niche!  Alors nous complétons les propos de ce dernier.

    Sur la voiture fabriquée en France prise comme exemple, on compte 22% de matières premières, 3% d’investissement, 6% de recherche et développement, 9% de salaires (un peu moins que l’Allemagne contrairement aux idées reçues). En 2012, les charges financières (299 milliards) sont deux fois plus importantes que les charges sociales (158 milliards). Il s’agit de la ponction effectuée par les actionnaires et des charges financières. Le coût du capital est le plus important et 50% des bénéfices vont aux actionnaires pendant qu’on procède à des licenciements boursiers. Le coût du capital se répartit entre réserves de liquidités, frais bancaires, dividendes… En outre une partie du coût consiste à spéculer sur les marchés boursiers jusqu’au rachat par une entreprise de ses propres actions pour maintenir les cours et faire plaisir aux actionnaires.

    Où va Hollande ? Tel était le titre de l’émission. Hier la presse française était représentée par Christophe Barbier pour l’Express et Frank-Olivier Gisbert pour le Point. Deux hebdomadaires qui préfèrent consacrer leur Une au voile islamique, aux bonnes affaires immobilières, à la Franc-maçonnerie, à la propagande libérale plutôt qu’aux licenciements boursiers.  Christophe Barbier s’est montré plus bavard sur la situation conjugale de François Hollande que FOG. Celui-ci jouait le libertaire aux idées larges et le représentant d’une France respectueuse de la vie privée. Cela n’a pas empêché le Point de titrer sur «  Tournant économique – vie privée, ça déménage » avec une photo d’un François Hollande à l’air soucieux, pendant que son confrère de l’Express met sur une photo identique le titre « Le discrédit ».  Henri Guaino représentait l’UMP. Sur sa prestation que dire ? Rien si ce n’est qu’il a été nul comme à son habitude, cherchant plus à parasiter le débat qu’à l'alimenter. Pour lui un Président de la république est un personnage public à mi-chemin entre un Premier Ministre et la reine d’Angleterre. Il doit assumer ce côté monarchique de sa fonction et ne pas se faire prendre en défaut. En une phrase, il est le partisan de « Pas vu, pas pris ». Comment s’en étonner d’un homme qui, après avoir joué les éminences grises a du mal à se produire sous les projecteurs. Quant au Ministre socialiste Stéphane Le Foll, il a pratiqué la langue de bois, la confiance et l’optimisme. En ce qui concerne la distinction entre la vie privée et la vie publique, il a trouvé une autre distinction entre la vie privée publique et l’intime. En ce qui concerne le statut de la première Dame qui n’existe pas, rien n’a été tranché entre partisans d’un statut et adversaires. La discussion a donné lieu à des comparaisons avec d’autres pays comme les Etats-Unis par exemple où la famille du président a une place importante dans sa vie politique. Nous avons eu droit à la liste des Présidents volages de la cinquième république, autant dire tous. C’est une stratégie de communication ancienne qui consiste à faire des amalgames en généralisant des comportements pour les absoudre et détourner l’attention du vrai problème posé. Vielle technique journalistique que FOG, journaliste opportuniste,  connaît bien. Le vrai problème se résume rapidement. C’est celui du comportement d’un Chef d’Etat, de sa sincérité, de sa fiabilité. En outre, il faudra bien traiter celui du rôle de la première Dame et de son statut. Les usages ne suffisent plus à justifier ce rôle qui est essentiellement représentatif. Et là, on peut dire avec Hollande, que se pose une question urgente : Qui l’accompagnera dans ses voyages officiels, notamment celui prévu aux Etats-Unis ? François Hollande se tait alors que les révélations médiatiques se succèdent. La liaison avec l’actrice de 18 ans sa cadette remonterait à deux ans. Il aurait installé Valérie Trierweiler à l’Elysée alors qu’il l’a trompée déjà avec l’actrice issue de la grande bourgeoisie et dont les parents ont un château dans le Gers. Nous sommes les spectateurs d’un vaudeville, une dramaturgie ridicule entre du Labiche, du Feydeau et du Guitry qui ne nous détourne pas d’une autre trahison : celle de la Gauche.

    L’émission « des paroles et des actes » a participé à la grande offensive idéologique pour imposer l’idée selon laquelle le « coût du travail » pénaliserait la compétitivité de l’industrie et plus largement celle de l’économie française. L’accent a été largement mis sur le coût des « charges sociales » c’est-à-dire des cotisations sociales versées par l’entreprise aux caisses de la sécurité sociale qui seraient trop lourdes. Leur suppression est une très vieille revendication du patronat. Elle n'est donc pas liée à la situation actuelle. En outre l’assurance maladie représente des milliards convoités par le patronat et les assurances privées au détriment du système actuel basé sur la solidarité nationale.  Les deux patrons présents (Michel-Edouard Leclerc  et Catherine Barthélémy) n’avaient pas la même interprétation du pacte de responsabilité que le seul syndicaliste présent sur le plateau. Alors que ce dernier a insisté sur le terme responsabilité de chacune des parties, les deux patrons se montraient très évasifs sur la création d’emplois espérée. Quant au Ministre du Travail, le pacte de responsabilité est un pacte de confiance au patronat. Finalement les seuls qui engageront leur responsabilité, ce sont les syndicats et les salariés.

    Une fois de plus David Pujadas et son expert philosophe ont organisé un show politique scénarisé avec un casting orienté. Alors qu’il y avait deux patrons, deux journalistes acquis au libéralisme économique, un élu de droite et un ministre social-démocrate du PS, un seul syndicaliste était invité : un réformiste du syndicat  signataire de l’accord ANI. Ainsi on peut présager dans quelles conditions seront organisées les concertations sur le pacte de responsabilité entre un gouvernement libéral, des patrons sournois et un syndicat réformiste sous l’œil d’une presse libérale propagandiste.

    Olivier Besancenot était bien seul hier soir, physiquement et moralement loin de l’aréopage libéral réuni pour ce show médiatique. Son air affligé en disait long sur sa pensée. Un opposant mis à part et contre tous, une voix discordante  stratégiquement muselée dans un lointain studio ! On a pu compter les opposants syndicalistes et politiques qui n’ont pas eu le droit à la parole. Marginalisés par David Pujadas, ses assistants et ses invités, ils n’ont pas pu répondre à ce débat truqué. On retrouvera les opposants de gauche dans leurs paroles et leurs actes lors d’une année qui s’annonce chaude sur le plan social. En outre, des échéances électorales attendent le parti socialiste au tournant, puisque le pacte de responsabilité est annoncé comme un tournant politique du Chef de l’Etat. Où va Hollande ? Nous avons une réponse à la question : dans le mur social !

    U mancatu

     

     



    [1] C’est aussi le titre du dernier ouvrage d’Olivier Besancenot.

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