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Sarkozy: le retour du messie
Nicolas Sarkozy, dès qu’il a été éjecté de l’Elysée, n’a pensé qu’à y revenir. Il a donc constitué une nouvelle équipe de conseillers et s’est assuré de la fidélité de la plupart des personnalités de l’UMP de façon à marginaliser ses éventuels concurrents. Il est même allé chercher Dominique de Villepin qu’il voulait jadis pendre à un croc de boucher. Ce dernier ne s’est sans doute pas fait prier longtemps si lui a été offerte l’occasion de revenir sur la scène politique. Donc après deux ans de faux suspense, l’ancien président de la république a annoncé sa candidature à la présidence de l’UMP. Il a longuement médité. Il a annoncé sa « candidature à la présidence de sa famille politique » sur sa page Facebook en ces termes : J'aime trop la France, je suis trop passionné par le débat public et l'avenir de mes compatriotes… C’est au terme d’une réflexion approfondie que j’ai décidé de proposer aux Français un nouveau choix politique » Il propose de transformer l’UMP « de fond en comble, de façon à créer, dans un délai de trois mois, les conditions d’un nouveau et vaste rassemblement qui s’adressera à tous les Français, sans aucun esprit partisan, dépassant les clivages traditionnels qui ne correspondent plus aujourd’hui à la moindre réalité". Il ajoute :"Ce vaste rassemblement se dotera d’un nouveau projet, d’un nouveau mode de fonctionnement adapté au siècle qui est le nôtre et d’une nouvelle équipe qui portera l’ambition d’un renouveau si nécessaire à notre vie politique". Il promet ni plus ni moins que de "bâtir la formation politique du XXIème siècle." L’UMP est mort, vive le néoUMP pas encore baptisé ! On prend les mêmes et on recommence : Claude Guéant, Jean-François Copé, la candidate malheureuse à la mairie de Paris NKM, Laurent Wauquier, François Barouin, Christian Estrosi, Brice Hortefeux, Jean-Pierre Raffarin … Spécialiste du grand écart politique, Sarkozy veut aussi l’ouverture mais, pour l’heure, il n’a pas encore débauché de socialistes. Il avait déjà sollicité Emmanuel Macron qui a décliné l’offre. Il lui reste à récupérer Besson qui est sorti du bois pour le soutenir. Ne doutons pas que, si cela s’avère nécessaire, il proposera son renouveau à Marine Le Pen. Avec du vieux, Sarkozy veut faire du neuf. Il ne veut plus de l’UMP alors que l’UMP c’est lui. Il veut élargir sa majorité dans une stratégie électorale et non pas dans un esprit de rassemblement républicain. Presonne ne s’y trompe et ce ne sera pas quelques ralliements individuels qui feront illusion.
L’avenir politique que propose Sarkozy est devant vous mais si vous faites un pas en avant vers lui vous tomberez dans le piège qu’il vous tendra avec toute la rouerie dont il est capable. Souvenez-vous du slogan « Travaillez plus pour gagner plus ». Souvenez-vous de l’encouragement qu’il prodiguait à user des prêts immobiliers hypothécaires à risques (Surprimes) en 2006. Souvenez-vous de l’aggravation du déficit de la France dont il est responsable et des cadeaux fiscaux faits aux plus riches dés le début de son quinquennat. Ses amis chantent à qui veut l’entendre que Sarkozy a changé… Lui-même prétend qu’il a pu prendre le recul indispensable pour analyser le déroulement de son mandat, en tirer les leçons. La vraie leçon morale à tirer était de ne plus se représenter, mais, pour lui, tirer les leçons c’est simplement changer de rhétorique et affiner son argumentaire en fonction des sondages et de la conjoncture politique. Il n’a jamais quitté sa fonction présidentielle. Il s’est encore enrichi en donnant des conférences à des banquiers et des affairistes jusque dans les émirats. Le statut d’ancien chef d’Etat et son carnet d’adresses sont rentables. L’enfant gâté de 59 ans aurait muri !
La cinquième république est messianique. A chaque élection présidentielle, les partis politiques proposent un nouveau messie ou un ancien qui fait acte de rédemption. Contre toutes les critiques qui lui sont faites et les suspicions dont il fait l’objet, Nicolas de Nazareth se victimise pendant que ses avocats cherchent des vices de formes dans les procédures judiciaires dont il fait l’objet. L’affaire Bigmalion n’a, pour l’instant, inquiété que des lampistes et si Jean-François Copé a perdu la présidence de l’UMP et dû renoncer à ses ambitions présidentielles, ce dernier s’est rallié au panache prétendu blanc d’un Sarkozy qui a été bénéficiaire de la fraude constatée… Tout cela s’est-il commis à l’insu de son plein gré et de celui de Copé ? Comment celui qui est soupçonné de financement illégal financera-t-il sa prochaine campagne ? Fera-t-il organiser une nouveau Sarkothon ?
Evoquant les difficultés politiques, économiques et sociales auxquelles fait face l'exécutif socialiste, l'ancien président écrit avoir "senti chez beaucoup de Français la tentation de ne plus croire en rien ni en personne, comme si tout se valait, ou plutôt comme si plus rien ne valait quoi que ce soit… Cette absence de tout espoir si spécifique à la France d’aujourd’hui nous oblige à nous réinventer profondément". Sarkozy porteur d’espoir ? Pour qui ? Seuls ses amis pensent qu’il peut se réinventer lui-même sans rien changer. Il explique ne pouvoir rester simple spectateur lorsque la France va mal et modestement sous-entendu a besoin de lui, alors que seule sa garde prétorienne le réclamait. Pense-t-il échappé à son bilan catastrophique comme il a échappé à son inventaire au sein d’un parti aujourd’hui moribond et qu’il ambitionne de faire revivre de ses cendres, alors qu’il en est l’incendiaire ? Peut-il à la fois être Jésus christ superstar et jouer le Ponce Pilate ?
En 2012, nous sommes passés de Charybde en Scylla. Charybde est de retour. Scylla veut la mort d’une partie de la Gauche et Charybde, perpétuellement affamée, nous propose le tout ou rien. La France est entrée dans le détroit des prochaines élections présidentielles pour une nouvelle odyssée politique. Tels des Argonautes nous faudra-t-il une aide divine pour le franchir sans que trop d’électeurs ne succombent aux appels de la sirène Marine? Cette tragédie grecque est de la comédia del arte. C’est pour cela que nous plaisantons d’un retour annoncé sans surprise et de ce qu’il présage. Il vaut mieux en rire avant que d’en pleurer de rage si l’un des pires présidents de la république que la France ait connus remettait les pieds à l’Elysée et bénéficiait d’une nouvelle immunité mettant fin à tout espoir de connaître les fins judiciaires de ses ennuis avec la justice.
L'ex-chef de l'État a installé son QG, 13 rue du Docteur Lancereaux, selon les informations de France Bleu Ile-de-France, dans un immeuble abritant également des bureaux d'Yves Saint Laurent, de la banque d'Irlande et des cabinets d'avocat. Tout un symbole au mari d’un ancien mannequin, soupçonné de financements illicites ! Pour information, le docteur Lancereaux fit des travaux de recherche sur le diabète et c’est lui qui a a transformé le diabète de « morbus in sede incerta locus » en « morbus in sede certa locus ». Du diabète dont on ignorait le siège, ce chercheur mort en 1910 a fait une maladie localisée dans le pancréas. On peut dire que Sarkozy hier « in sede incerta locus » est aujourd’hui localisé à 800 mètres de l’Elysée.
Il va falloir s’y faire : la presse a retrouvé officiellement son favori. Nous allons avoir du Sarkozy matin, midi et soir. Il va faire un grand Sarkotour en commençant par le Nord de la France. En ce qui concerne les débats d’idées, ce ne seront que des idées libérales et ultralibérales avec des arrière-pensées pas que politiciennes. Sarkozy va essayer de convaincre qu’il a changé et va dire « Je vous ai compris » en nous jouant une nouvelle palinodie. Hollande va se sentir moins seul car, à tous les deux, ils font la paire. Le Front national est satisfait en pensant tirer profit de l’UMPS et de la montée de la xénophobie. Septembre 2014 et nous voilà déjà entrés dans la campagne présidentielle de 2017, si tant est que nous soyons sortis de celle de 2012. Un président de la république dont le statut fausse le débat politique en devenant un frein au développement de la démocratie et au progrès social.
Battone
Tags : Sarkozy, retour, UMP, présidentielle, Hollande
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