• Une carpe tombée du perchoir

    Les Corses doivent s’acquitter, illico presto, des droits de succession sans nouveau délai. C’est la décision du Conseil constitutionnel et son Président veut la faire respecter. Sus aux arrêtés Miot antérieurs à la Constitution de la Cinquième république et qui ne doivent plus lui survivre !

    « … à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, des dispositions législatives ont été adoptées alors qu'elles contrevenaient directement à l'autorité de la chose jugée par le Conseil". Jean-Louis Debré l’a déclaré dans son discours lors de la cérémonie des vœux de François Hollande à la haute juridiction, lundi soir à l'Elysée. "Cette situation est préoccupante", a-t-il ajouté, rappelant avoir été amené à "censurer une deuxième, ou plutôt j'espère, une dernière fois" ces dispositions contestées sur "les droits de succession en Corse". "L'Etat de droit est fondé sur le respect de la règle de droit et des décisions de justice", a souligné le président du Conseil constitutionnel, renchérissant: "La volonté générale ne s'exprime que dans le respect de la Constitution". 

    Voilà la position de l’ancien Président de l’Assemblée nationale et actuel Président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré fils de Michel Debré ancien premier ministre gaulliste et artisan de la Constitution de 1958. Le Conseil constitutionnel représenterait la volonté générale alors que tous ses membres sont de droit ou nommés et qu’ils appuient leurs décisions sur le droit constitutionnel, un droit à géométrie variable qui donne lieu à des interprétations juridiques floues. Quant à cette constitution de la Cinquième république, elle n’assure pas un système véritablement démocratique et ne sert qu’à maintenir le bipartisme, tout en grossissant le nombre des abstentionnistes aux élections. En outre ce sont des conseillers nommés qui retoquent des lois votées par les parlementaires élus. En qualité d’ancien parlementaire, le président Debré devrait s’en offusquer. Il préfère se retrancher derrière l’Etat de droit et le respect de la règle de droit en empêchant toute modification législative. La volonté générale ? Monsieur Jean-Louis Debré est mal placé pour donner des leçons de démocratie. Il n’est qu’un gardien à qui on a donné la clé du temple et joue l'oie du Capitole gaulliste.

    Dans la famille Debré, ils sont tous à droite et conservateurs. On peut aussi citer son frère Bernard, professeur de médecine et député UMP. Une famille bourgeoise dans laquelle on fait des carrières médicales, juridiques et surtout politiques. Docteur en droit public, Jean-Louis Debré a écrit sa thèse sur les  « Idées constitutionnelles du général de Gaulle ». Juge d’instruction, Il a préféré faire une carrière politique dans le sillage de Jacques Chirac. Il est un magistrat donc très politisé à droite. D’abord élu dans l’Eure, il est « monté » politiquement à Paris et fut le premier adjoint de Jean Tiberi, ancien maire de Paris, judiciairement contesté comme l’a été son prédécesseur, Jacques Chirac.

    Ministre de l'Intérieur dans les gouvernements d'Alain Juppé, il est critiquépour avoir laissé s'organiser la conférence de presse des militants clandestins corses armés à Tralunca. Sans doute en a-t-il gardé un mauvais souvenir et peut-être un brin d’amertume envers les Corses. A l’époque, il ordonne l'expulsion, le 23 août 1996, de 300 étrangers en situation irrégulière occupant l'église Saint-bernard à Paris, non sans avoir déclaré cyniquement auparavant qu'il agirait « avec humanité et cœur ». Malgré les déclarations du gouvernement, la plupart de ces étrangers ne sont pas expulsés, ayant des attaches fortes en France, qui rendent toute « mesure d'éloignement » complexe. Des manifestations critiquant la politique du gouvernement Juppé, durant lesquelles on scande des slogans réclamant l'« abrogation des lois Pasqua-Debré », rassemblent des dizaines de milliers de personnes. Ministre de l'Intérieur, Jean-Louis Debré présente alors en novembre 1996 un projet de loi portant « diverses dispositions relatives à l'immigration ». L’ancien juge d’instruction s’est avéré très répressif dans les actions de police administrative contre les étrangers.

    Après la victoire de la gauche en 1997 et les déboires judiciaires des Tibéri, il retourne se faire élire dans l’Eure où il devient maire d’Evreux. Pendant la période de la troisième cohabitation de 1997 à 2002, il est le président du groupe RPR à l'Assemblée nationale.

    D'une grande fidélité à Jacques Chirac, il s'est opposé à Nicolas Sarkozy. Il est réélu député le 16 juin 2002  dans la première circonscription de l'Eure. De 2002 à 2007, il est président de l'Assemblée nationale.

    Peu avant son départ de l’Elysée, le 23 février 2007, Jacques Chirac le case en le nommant président du Conseil constitutionnel en remplacement de Pierre Mazeaud. Il sort du devoir de réserve attaché à sa fonction en émettant, en 2008, des « réserves » sur le style présidentiel de Nicolas Sarkozy et, en 2010, en jugeant « inutile pour lui, pour la France » le procès à venir de Jacques Chirac. Les deux larrons se sont retrouvés au Conseil constitutionnel. Avec Giscard d’Estaing et Sarkozy, ils forment un quarteron de politiciens conservateurs qui bloquent tous les textes qui ne leur conviennent pas.

    Voilà résumée la carrière chiraquienne d’un fils de Gaulliste. A croire que dans la famille Debré, chacun a eu besoin d’un mentor politique, ce qui n’est pas le gage d’une personnalité affirmée, indépendante…. et donc objective. Ses capacités juridiques en font toutefois un expert dans l’art de faire passer des vessies pour des lanternes. Si on ajoute son goût pour le roman policier (puisqu’il est romancier) et son désir d’être acteur de théâtre, on peut avoir quelque raison de douter de sa bonne foi constitutionnelle à la présidence d’un conseil qui est un cimetière des éléphants. Il y trouve donc le temps d’y écrire des polars. L’un d’eux a pour titre « Quand les brochets font courir les carpes ». Est-il brochet ? Depuis qu’il préside le Conseil constitutionnel, nous l’associons davantage à la carpe mais aussi à l’oie lorsque nous pensons à un passage de Maupassant dans Bel-ami : «  Ça n'est pas difficile de passer pour fort, va ; le tout est de ne pas se faire pincer en flagrant délit d'ignorance. On manœuvre, on esquive la difficulté, on tourne l'obstacle, et on colle les autres au moyen d'un dictionnaire. Tous les hommes sont bêtes comme des oies et ignorants comme des carpes ». Avec les Corses, son dictionnaire c’est la constitution écrite par son père et dont il se sert avec ses pairs pour régler ses comptes politiques. Il paraît qu’il a écrit un ouvrage « Vu du perchoir », sur ses années de présidence de l’Assemblée nationale. Le livre ne sera publié qu’à la mort de Jacques Chirac, et fera l’effet, selon son auteur, d’«une petite bombe ». En acceptant la présidence du Conseil constitutionnel, il est à l’évidence  tombé du perchoir mais en douceur et sa petite bombe ne sera sans doute qu’un pétard mouillé.

    Jean-Louis Debré est en place jusqu’en 2016… Il prendrait ensuite sa retraite pour se consacrer à l’écriture. Il aime raconter des histoires tordues où se croisent des blondes vénéneuses, des flics intrépides et des financiers véreux. Son style est simple et ses titres accrocheurs.  Ce n’est pas de la grande littérature. Giscard d’Estaing est devenu « Immortel » avec des histoires de cul à l’eau de rose, peut-être que Jean-Louis Debré a-t-il quelque chance d’aller le rejoindre ou le remplacer sous le Coupole ? Du Perchoir à la Coupole, il n’y a qu’un saut de carpe.

    Un Debré en cache toujours un autre. Après Michel Debré et ses deux fils, qui sera le suivant à réussir sa carrière politique néo-gaullienne? Jean-Louis Debré n’a qu’un fils : Guillaume, journaliste de CNN, TF1 et LCI à Washington. Toutefois les descendants de Simon Debré (1854-1939), Grand-Rabbin, en poste à Neuilly-sur-Seine, sont nombreux si on se réfère à Wikipédia. (lien en cliquant )

    Vivement une Sixième République et une réforme de ce Conseil constitutionnel conservateur et réactionnaire !

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