• Une mobilisation citoyenne nécessaire

    A la fin du « Passé d’une illusion » écrit par l'historien François Furet, le présent nous renvoie « l’antinomie essentielle de la démocratie bourgeoise » dont les termes complémentaires et contradictoires  sont les droits de l’homme et le marché. L’arrivée de la gauche (le pensait-on) au pouvoir, laquelle est censée en principe privilégier le premier terme de cette équation, il y avait lieu d’espérer que l’homme reprendrait ses droits sur le marché et notamment les droits sociaux. Tous les signes vont pourtant dans le même sens : rien pour les droits sociaux, tout pour le marché. Ou, autrement dit, rien pour les salariés, tout pour les patrons. Avec les gouvernants socialistes, le cynisme est toujours le mode de gestion du capitalisme. Allant de renoncement en capitulation sur ses propres valeurs - sauf il est vrai en ce qui concerne le mariage pour tous -, le gouvernement a tourné le dos aux pauvres, aux salariés et à leurs syndicats. D’où l’impopularité de plus en plus catastrophique dont le gratifient les sondages. Force a été, jusqu'à ce jour, de constater que François Hollande représente la gauche canada-dry du parti socialiste.

    À quelques mois des Municipales, sa politique antisociale, ses tergiversations, ses multiples reculs pourront-ils échapper à la sanction des urnes ? Cette échéance constitue l’un de moyens pour la Gauche (canal historique)  de se faire entendre pour tenter d’obtenir de Hollande un changement de cap.  Nous sommes en colère. Cette colère, nous la partageons avec vous. Ce qui ne manquera pas de se répercuter dans le secret de l’isoloir, en dépit du sentimentalisme de bon aloi que l’on peut  nourrir, ça et là, à l’égard de certains élus locaux de la majorité présidentielle, lesquels se sont avérés aussi impuissants à rectifier le tir qu’à exprimer la moindre critique envers la politique menée par leur Majorité.

    Le retour de bâton risque d’être d’autant plus douloureux que le Front national pourrait recueillir les fruits du mécontentement de ceux qui ne voient plus de différence entre le parti socialiste et l’UMP, entre Hollande et Sarkozy.  Les choses étant ce qu’elles sont, puisqu’aucun changement n’est intervenu depuis les élections présidentielles, l’échéance du 30 mars 2014  donnera une bonne occasion de faire massivement savoir que la majorité présidentielle n’a pas été élue pour poursuivre l’œuvre antisociale de Nicolas Sarkozy. La seule véritable opposition à cette politique, c’est le Front de gauche et non pas le Font national dont on connaît l’idéologie ultranationaliste et libérale en ce qui concerne l’économie et le social. La seule variante du Front national avec ce que ses leaders nomment UMPS, c’est le degré de xénophobie et de racisme à mettre dans la politique d’immigration. 

    Nous sommes arrivés à un stade où les inégalités de revenus et de patrimoines sont devenues insoutenables. Les patrimoines ont retrouvé la même importance qu’aux temps du Père Goriot dans un monde plus inégalitaire qu'à l'époque des Trente glorieuses. En ces temps lointains, 90% du patrimoine appartenait aux 10% plus riches. Aujourd’hui c’est seulement 60% car 30% sont passés chez les nouveaux riches et les classes moyennes aisées alors que les 50% des plus pauvres n’ont que 4% à se partager.  Si les héritages de l’ordre de 500.000 à 1 million d’euros ont progressé, la moitié des Français n’en gagne pas autant pendant toute une vie de travail. Un smicard gagnera 750.000 € en 50 ans de travail pendant que 10% de la population reçoivent des rentes équivalentes à cette somme. La capitalisation boursière mondiale s’est accrue de 147% depuis dix ans tandis que le PIB mondial n’augmentait que de 81%. Ce ne sont pas les 1 à 1,5 % optimistes de croissance qui viendront à bout du chômage et de l’aggravation des inégalités. Parler de 5% de croissance est du domaine de la science-fiction pour la France et même l’Europe. Il n’y aura pas de nouvelles Trente glorieuses et l’Europe n’est pas la Chine.

    La  hausse du patrimoine va de pair avec une concentration entre un petit nombre de personnes. Cette tendance est non seulement injuste mais aussi incompatible avec une société démocratique, car elle s’accompagne d’une concentration de la capacité d’influence sur les processus de lobbying politique en mettant en cause les valeurs démocratiques. Lorsque l’on crie au monde « l’Humain d’abord ! », c’est en réaction à des politiques du marché qui conduisent à la remise en cause des droits sociaux au profit d’un petit nombre de nantis qui sont capables de faire payer aux salariés le lard du chat. L’existence des paradis fiscaux et des transactions illicites permettent la mise en concurrence des Etats pour ne faire payer que ceux qui sont coincés dans leur propre pays, c’est-à-dire la majorité de la population qui n’a pas les moyens de l’exil fiscal. Les liens entre l’argent et la politique n’ont plus besoin d’être démontrés, lorsque l’on regarde l’actualité. Après l’affaire Cahuzac, voici qu’arrive l’affaire Balkany et ce n’est que la partie visible de l’Iceberg.

    Au cynisme de l’UMPS, le Front national ajoute le mensonge, la fourberie des mots volés à la gauche pour tromper les petits salariés et les chômeurs. L’Extrême-droite retrouve des couleurs dès qu’il y a une crise sociale et exploite le sentimenet d'insécurité, la misère et le mécontentement en cherchant des bouc-émissaires. Hier c’était les Juifs. Aujourd’hui ce sont les Musulmans. A qui le tour demain ?

    Il ne faut pas se tromper de protestation. S’il s’agit uniquement de xénophobie viscérale, le Front national tend les bras à ceux qui regretteront demain d’avoir fait confiance à des gens qui avancent masqués sur les autres sujets touchant aux libertés, à l’économie et au droits sociaux. Si l’on ne se reconnaît pas dans une politique libérale poursuivie par François Hollande, on ne peut pas oublier celle ultralibérale de son prédécesseur. Tous les deux ont mené jusqu’à aujourd’hui une stratégie antisociale au service des marchés financiers. Avec l’aide des grands média, ils continuent à prendre le risque d’une dangereuse stratégie de communication en faisant du Front national le baromètre de chaque échéance électorale.

    Onlacherien1

    En juin 2012, la majorité des Français a voté pour un « changement maintenant » qui a été renvoyé aux calendes grecques. En se tournant vers ceux qui réclament encore et encore ce changement, le citoyen pourra espérer plus de justice sociale et plus de démocratie. Le Front de gauche, la Fase et, en Corse, Manca alternativa ont représenté ce changement dès le lendemain des élections présidentielles en réclamant sans répit à François Hollande de mettre le cap à gauche, c’est-à-dire notamment vers plus de justice sociale et fiscale. Il ne les a pas encore entendus. Les élections municipales sont l’occasion d’imposer un changement immédiat  (le « maintenant » de Hollande tarde trop) à condition de ne pas s’égarer au Front national ou dans le piège éculé du « vote utile ».

    Il ne faut pas tout accepter socialement en pensant qu’on ne peut rien faire. L’abstention, comme le vote FN, est stérile. Elle ne fait que maintenir au pouvoir le bipartisme conservateur. Le changement n’est qu’un problème de mobilisation citoyenne.  Il est urgent de choisir un vote solidaire contre la politique des marchés qui dicte, au profit de quelques uns, toutes les décisions qu’elles soient locales,  nationales ou internationales.  

    Pidone

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