• Accords de coopération policière franco-turque...

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    Dans une lettre qu’il a adressée le 25 février 2013 aux parlementaires français et à la présidente de la commission des affaires étrangère (Mme GUIGOU), le Président du Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH), Michel Tubiana, exprimait sa préoccupation quant au projet de loi validant un accord de coopération policière entre la France et la Turquie. Voir la lettre en cliquant ci-après:

    lettre-coopération-policière-France-Turquie-25-2-13 

    « Nous nous interrogeons aussi sur le rôle de la France: les accords de coopération policière signés par Guéant et Sahin en 2011, et qui n'ont pas été remis en cause par Fabius, cela donne carte blanche à la police turque. Il faut renforcer ... la dénonciation de ces accords, absolument. Parallèlement à la dénonciation des crimes qui sont commis ici et à la diffusion des nouvelles provenant de Turquie, C'EST UNE TACHE URGENTE EN FRANCE" peut-on lire sur un mur de Face book qui rend compte de ce qui se passe actuellement en Turquie.

    Le premier ministre turc Erdogan a fait un discours devant les membres de son parti l’AKP et a déclaré « nous n'abandonnerons pas cette place aux terroristes » en parlant des manifestants de la place Taksim qui lui reprochent simplement de saper les fondements laïcs de la société turque et qui ont été férocement chassés de cette place. On parle maintenant de tirs tendus des grenades lacrymogènes et de l’utilisation de canons a eau mélangée à un acide. En outre les membres de l’AKP se livreraient à des violences sur les contestataires.

    Selon cet accord du 7 octobre 2011, la coopération policière concernerait aussi la lutte anti-terroriste et  aurait pour cibles des individus résidant en France et considérés comme des terroristes par l’Etat turc sans exclure des échanges de renseignements sur des personnes vivant en Turquie. Lorsque l’on entend Erdogan traiter de terroristes tous ceux qui s’opposent à lui, il y a de quoi s’inquiéter pour les démocrates turcs.

    A l’Assemblée nationale,  un débat aura pour but  de légiférer et donc de mettre officiellement en œuvre cet accord de coopération policière qui, en ne définissant pas le terme de « terrorisme », ouvre la porte à la politique répressive de l’Etat turc à l’encontre de mouvements pourtant pacifistes.

    Tout est fait pour permettre à la Turquie d’accéder  à l’Union européenne sans l’influencer positivement sur des réformes législatives et institutionnelles afin d’instaurer un état de droit. Pourtant ces réformes doivent être un préalable à toute coopération sécuritaire renforcée, comme doit l’être la reconnaissance du génocide arménien qui serait la preuve que l’Etat turc a évolué dans le bon sens : celui d’une démocratie réelle et non pas virtuelle, celui d’un Etat qui abandonne l’ultranationalisme et l’islamisation forcée de la société turque, celui d’un Etat qui ne ment plus dans les livres de son histoire et ne s’enferre plus dans le négationnisme.

    La France ne doit pas offrir sa coopération policière à un Etat conservateur et islamiste qui s’appuie sur l’AKP un parti ultranationaliste et islamiste. La réalité d’Erdogan et de son parti politique apparaissent au grand jour, même si des hommes politiques et des média tentent de minimiser l’ampleur de la protestation en Turquie et la dérive répressive menée par le premier ministre conservateur et islamiste, Erdogan.

    Il est nécessaire de rappeler que la Turquie compte des milliers de détenus politiques et qu’on y arrête des intellectuels… journalistes, élus, enseignants, étudiants, intellectuels, syndicalistes, avocats, militants associatifs… Aujourd’hui la répression s’intensifie et, sous le fallacieux prétexte de « lutte contre le terrorisme », des manifestants pacifiques sont arrêtés en masses…

    La France est sur la voie d’adopter ce dangereux projet de loi validant un accord de coopération policière contraire aux valeurs fondamentales des droits humains, alors que cet accord doit être dénoncé. La France se rend complice de la répression en maintenant un tel accord et ne fait qu’encourager la Turquie dans ses actions répressives contraires au respect des droits humains.

    Au moment où le projet de loi était connu, une pétition a été lancée pour la dénoncer et dans son texte, on pouvait lire :

    « Le code pénal et la loi anti-terroriste turcs définissent le terrorisme de manière si vague et si large, et l’interprétation des juges turcs est si extensive, que cela a permis de criminaliser les activités pacifiques et légitimes de défenseurs des droits humains, mais également de journalistes, syndicalistes, avocats, enseignants, députés, maires, universitaires, écrivains, éditeurs… etc.  Des centaines d’entre eux ont ainsi été condamnés pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression, notamment sur les droits des minorités, la question kurde ou encore le génocide arménien. En exemple le cas de l’étudiante Sevil Sevimli, condamnée le 15 février 2013 à 5 ans de prison pour propagande terroriste, pour avoir détenu le Capital de Marx dans sa chambre d’étudiante et avoir participé à deux manifestations légales (dont celle du 1er mai). En témoigne également l’acharnement de la Cour Suprême à l’encontre de la sociologue Pinar Selek, en exil à Strasbourg, rejugée après trois acquittements et finalement condamnée à perpétuité le 24 janvier 2013 pour «terrorisme » au terme d’un procès des plus discutables. 

    Aujourd’hui Ankara est considéré comme un modèle de démocratie car membre de l’Otan, alors que :

    - Les minorités sont victimes de la répression ou de l’assimilation forcée, leurs droits y sont niés chaque jour un peu plus.

    - La liberté d’expression y est bafouée quotidiennement. Les rapports des ONG, du Conseil de l’Europe et de l’ONU le dénoncent régulièrement.

    - L’impunité persiste dans de nombreux dossiers : il n’existe par exemple aucune volonté de faire toute la lumière sur des crimes odieux comme l’assassinat de Hrant Dink, un arménien de Turquie fondateur et directeur de l’hebdomadaire Agos, tué le 19 janvier 2007, ou encore plus récemment sur la série d’agressions dont ont été victimes à Istanbul des arméniennes âgées, dont l’une a été tuée et l’autre laissée pour morte.

    Toutes les instances internationales relatives aux droits humains (Conseil de l’Europe, ONU, etc.) s’accordent à dire que la conception turque du terrorisme entre en conflit avec les standards internationaux en matière de protection des droits fondamentaux. Il est donc fondamentalement contradictoire et inacceptable de condamner ces pratiques, via par exemple le Conseil de l’Europe et l’ONU d’un côté, et de l’autre, dans le même temps, de signer un accord de coopération policière portant sur le domaine litigieux !

    Un tel accord est  déshonorant pour la France. »

    Où en est cette loi ?

    Le projet de loi a été signé par Jean-Marc Ayrault et Laurent Fabius le 1/08/2012 sou le n° 137.

    Il a été renvoyé devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée. Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 01/08/12 « Le ministre des affaires étrangères a présenté un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie. Signé à Ankara le 7 octobre 2011, cet accord a pour principal objectif de renforcer la coopération policière technique et opérationnelle entre la France et la Turquie, en particulier dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, l'immigration irrégulière et le trafic de stupéfiants. La lutte contre la criminalité organisée, notamment le blanchiment d'argent, constitue également un volet important de cette coopération ». Mardi 26 février 2013, une délégation de représentants d’associations et d’organisations, rencontrait Mr. Jacques CRESTA, député, rapporteur du projet, qui a annoncé le report de l’examen de l’autorisation de l’accord de coopération, par la commission des affaires étrangères. Sur le site de l’assemblée nationale nous n’avons pas trouvé trace d’un rapport fait par la commission des Affaires étrangères sur ce projet de loi qui serait donc toujours à l’étude.

    L’affaire n’est pas terminée. Un tel accord apparaît dangereux à la lumière des derniers événements en Turquie et de la conception personnelle du terrorisme qu’Erdogan a montrée jusqu’à aujourd’hui. Toutefois les lobbies turcs sont très actifs en France jusque dans l’hémicycle. La présidente de la commission des affaires étrangères est Madame Elisabeth Guigou, membre de l’institut du Bosphore, le plus important lobby turc créé par le patronat turc et où l’on retrouve des élus français de gauche et de droite (Juppé, Moscovici, Copé, Rocard...)  un journaliste pro-turc (Alexandre Adler) et un historien.

    Si nous revenons sur l’accord signé par Guéant fin 201 à l’époque où Alain Juppé (membre de l’institut du Bosphore) était ministre des Affaires étrangères, cette démarche montre la politique ambigüe de Sarkosy d’une part envers l’Etat turc et d’autre part envers les Français d’origine arménienne et les Kurdes résidant en France qui sont les victimes d’une répression féroce en Turquie.

    Le génocide arménien n’est qu’une partie de l’histoire de la Turquie mais il est le socle de l’Etat turc qui n’a cessé de persécuter les minorités et de les pousser dans l’activisme. Outre ce qui s’est passé pendant le Génocide et en 1942 avec l’affaire de l’« impôt sur la fortune ». Le gouvernement turc taxe alors arbitrairement les Arméniens ; les récalcitrants sont envoyés en camp de travail. A la question arménienne, s’est ajouté celle chypriote  et les pogroms anti-grecs de 1955, qui touchent aussi les Arméniens. L’Etat turc veut maintenant régler la question kurde  et donc celle du PKK (mouvement clandestin kurde ;  trois militantes ont été récemment retrouvées assassinées à Paris)  dont un ministre du gouvernement avait traité le chef de « sperme d’Arménien » dans les années 1950, époque qui a vu la naissance de l’armée secrète arménienne (l’ASALA).

    Le PKK et l’ASALA ont été les conséquences des violences physiques et discriminatoires subies par les Arméniens et les Kurdes. Le terrorisme en Turquie est un terrorisme d’Etat relayé par des mouvements d’extrême-droite conservateurs et islamistes.

    Nous n’avons pas oublié l’assassinat de Hrant Dink, turc d’origine arménienne et homme d’une gauche qualifiée d’extrême-gauche. Ceux qui connaissent la vie du fondateur du journal Argos savent qu’il faisait partie de la liste noire dressé par l’Etat turc qui l’avait déjà dans le passé arrêté et torturé. Il était devenu un chantre de la démocratisation de la Turquie et on retient cette phrase de lui sur le but de son action politique : « « Si tous les problèmes des Arméniens, ceux des Kurdes, des alevis, des femmes et des homosexuels subsistent, à quoi bon avoir fait tout cela ? » Sans aucun doute a-t-il été tué pour cela et d’autres avant lui avaient subi le même sort pour leur appartenance à l’extrême-gauche haïe par l’extrême-droite turque et Erdogan.

    Erdogan, après dix ans de pouvoir, devient de plus en plus autoritaire avec l’illusion d’incarner la nation turque. Il ne supporte aucune critique et intervient dans tous les domaines de la vie des Turcs. En 2012, il a annoncé des restrictions à l’accès à l’avortement ; Pour lui, chaque famille doit avoir au moins trois enfants. Il est même allé jusqu’à conseillé aux femmes de cuisiner les haricots secs après les avoir trempés dans l'eau", se moque ainsi le magazine en ligne satirique Zaytung.  Les signes d'une "islamisation" se sont multipliés. Des cours sur le Coran et la vie de Mahomet ont été introduits dans le programme des écoles primaires. Le système éducatif a été modifié pour ramener à 5 ans l'âge d'inscription à l'école primaire et à 13 ans la fin des études pour faciliter le mariage des jeunes filles âgées de 13 ans, comme il s'en pratique encore dans la province turque. « Erdogan ne se comporte pas comme un Premier ministre. Selon le contexte, il peut agir comme le maire d'Istanbul, le président de la République ou comme un père de famille qui gronde ses enfants. Il est celui qui sait tout et qui contrôle tout », explique Ahmet Insel, professeur. Il censure la télévision. La série Le siècle magnifique, consacrée à la vie de Magnifiquea subi son puritanisme en raison de la reconstitution de scènes d'amour dans le harem du Sultan. Les décolletés des personnages féminins ont été recouverts et les scènes de harem ont pratiquement disparu. L’instance de régulation audiovisuelle a exigé que le couple de la série française « Un gars, une fille » soit marié dans l’adaptation turque. D’autres séries ont été supprimées car on y boit de l’alcool dont la restriction a été votée au Parlement. "Que ceux qui veulent boire le fassent chez eux", a déclaré Erdogan. Il a fallu quatre jours à la télévision pour parler des manifestations d’Istanbul malgré les informations nombreuses sur les réseaux sociaux. 

    Erdogan est en train de revenir en arrière sur des libertés et des droits civiques. Son ivresse du pouvoir risque de plonger la Turquie dans une guerre civile. Il voit un terroriste en chaque individu qui conteste son conservatisme et son islamisme. Il pratique un pouvoir personnel sans partage sous le vernis d’une démocratie de façade. Il se sert de lobbies pour accéder à l’Union européenne sans faire la moindre concession démocratique. Aujourd’hui une partie de son peuple se dresse contre lui. C’est cette partie qu’il faut soutenir et non pas sa police et son parti, l’AKP.

    Fucone

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