• Avec ou sans Hamon?

     

    Nous sommes face à un choix crucial !

    Quand un mouvement comme la France insoumise se propose de renverser le cours des choses, il se trouve très rapidement contraint à des choix décisifs où tout se joue. Or la candidature de Benoît Hamon nous place devant un tel choix (le "kairos" des grecs). Dans des situations de ce genre, la ligne politique doit toujours reléguer au second plan toutes les autres considérations.

    À l’issue de l’émission d’hier, j’ai ressenti un flou dans la manière avec laquelle Jean-Luc Mélenchon a traité la question de nos rapports avec Benoît Hamon. Relisant avec plus d’attention que la première fois le contenu du courrier qu’il avait adressé à ce dernier à l’issue de son meeting de Strasbourg du dimanche 12 février, j’ai compris que dans ce courrier, le vers était déjà dans le fruit, bref que les conditions pour un accord susceptible de conduire à une majorité stable n’y étaient pas réunies.

    C’est donc ce texte que je vais examiner ici, considérant qu’il est parfaitement représentatif de la pensée actuelle de Jean-Luc Mélenchon, le candidat de notre libre association, la France insoumise. Au niveau strictement programmatique, les garanties exigées sont valables et impératives, et qu’elles sont plutôt bien posées. Ce n’est donc pas à ce niveau que le bât blesse, mais au niveau de la majorité parlementaire (et gouvernementale).

    Qu’en est-il de la majorité parlementaire (et gouvernementale) ?

    Je considère en effet qu’il ne suffira pas de mettre à l’écart quelques candidats emblématiques de l’ancienne majorité (Valls, Le Roux, El-Khomri) comme le suggère Jean-Luc Mélenchon dans son courrier, mais que ce sont (grosso-modo) les 2/3 des candidats investis par le PS qui posent un problème.

    Pour illustrer mon propos, imaginons un instant que, pratiquant la politique de la calculette, nous parvenions à faire élire une majorité parlementaire de 300 députés, comprenant 150 députés de la France insoumise et 150 députés du Parti Socialiste. Ces 150 députés du Parti Socialiste comprendraient donc environ 100 députés plus ou moins assujettis à Hollande et Valls. On voit immédiatement que cette "majorité" tombe donc aussitôt à deux-cents, autrement dit, elle devient immédiatement minoritaire.

    Je ne donne pas plus de 3 mois pour qu’une telle pseudo-majorité sombre sous les coups qui lui seraient portés de l’intérieur même par ces 100 députés du Parti Socialiste.

    S’il en était ainsi, c’est toute la démarche de la France insoumise qui s’effondrerait d’un coup, et « le corbillard du parti socialiste » deviendrait aussitôt « le corbillard commun du Parti Socialiste de la France insoumise ». Les conséquences en seraient catastrophiques pour toute recherche d’une issue à gauche et ceci pour longtemps. Nous serions nous-même atteints, puis balayés par la vague dégagiste. Ce n’est pas seulement un boulevard qui s’ouvrirait devant le Front National, mais une autoroute à 8 voies.

    Aussi plutôt, que de regarder la vague dégagiste en spectateurs, Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise ont tout intérêt à jeter toutes leurs forces pour que cette vague grandisse au point d’en devenir irrésitible. C’est à cette condition et seulement à cette condition que nous pourrions ouvrir cette issue de gauche tant recherchée et qui ferait échec à l’extrème-droite. Il n’y a pas d’alternative.

    En conclusion

    Nous devons maintenir le cap et ne pas succomber à la pression de ceux qui, au nom d’une urgence que je ne conteste pas, voudraient passer outre l’étape nécessaire d’une clarification à gauche. J’ai toutes les raisons de penser que Benoît Hamon ne se soumettra pas à cette clarification, car il est lui-même l’otage (volontaire) de l’appareil du Parti Socialiste.

    Si nous cédions aux sirènes "urgentistes", un tel coup politique se retournerait rapidement contre nous. C’en serait fini – pour longtemps –, et de la France insoumise, et de toute alternative de gauche qui puissent s’opposer au Front National.

    Nous sommes maître de la ligne politique, mais nous ne serons jamais maître du temps. La seule chose que nous puissions faire est d’éviter d’en perdre beaucoup en croyant en gagner un peu.

    Christian Le Prévost

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