• Casse-toi, tu pues!

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    Les « mauvaises odeurs » de Chirac sont sorties des HLM pour entrer au Musée d’Orsay.  Comme « ces aquilons avant-coureurs qui racontent les exploits du bol alimentaire » (Léo Ferré), le retour du l’ostracisme refoulé est une espèce de rot cérébral.  On pouvait penser que Jacques Chirac avait roté. Parfois le mauvais fonds remonte à la surface. Ce n’est pas méchant, c’est dit en passant, comme ça. Au Musée d’Orsay, il s’agit bien plus qu’un rot cérébral: une gifle a été donnée à la misère dans un musée nationale qui expose les toiles de grands peintres dont certains sont morts dans la misère et ne devaient pas sentir bon tous les jours.

    En début de semaine, un couple et leur petit garçon d'une dizaine d'années visitaient le musée, accompagnés par un cadre bénévole du mouvement ATD (Agir tous pour la dignité) lorsqu’un gardien les prie instamment de bien vouloir quitter le musée  sous prétexte que des visiteurs se sont plaints de leur odeur. Il faudra dire à tous les miséreux que, lorsque l’on n’a pas de salle de bain, on doit acheter du parfum plutôt que de la nourriture si l’on veut entrer au Musée d’Orsay.

    La visite était pourtant organisée selon le mot d’ordre d’Aurélie Filipetti, Ministre de la culture : "La culture est un vecteur de lutte contre les inégalités." Elle avait invité 400 bénéficiaires d’associations caritatives à des visites commentées d’expositions parisiennes.

    Malheureusement si l’argent n’a pas d’odeur, la misère en a une, comme l’a écrit Paul Léautaud. Lorsque l’on fréquente les musées, on sait que, bien souvent, les visiteurs sont traités comme du bétail.  A l’intérieur, les gardiens ( souvent des vigiles de sociétés privées) font ce qu’ils peuvent pour vous mettre mal à l’aise. Ils ont souvent le crâne aussi vide que celui d’un croquis intitulé « Crâne aux yeux exorbités et  mains agrippées à un mur », dessin au crayon et fusain  de Julien-Alphonse Duvocelle, une méditation sur la fragilité de l'existence humaine. On peut le voir au Musée d’Orsay à condition de sentir bon. Sinon vous ne verrez que les yeux exorbités d’un gardien décérébré et méditerez sur la fragilité de l’intelligence humaine.

    Le Musée d’Orsay devrait recruter un « nez de Grasse » chargé de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises odeurs dès l’entrée des visiteurs. Après le délit de faciès, le délit d’odeur vient d’être inventé.  Nous demandons à nos compatriotes corses de ne pas tenter d’introduire des fromages dans ce musée, même sous forme de sandwiche. Quant au gens atteints d’aérophagie chronique, toute flatulence sera immédiatement sanctionnée. Bien entendu, les sanctions visent aussi ceux qui puent des pieds ou sentent trop la transpiration. Les déodorants ne sont pas fournis à l’entrée du musée. L’exclusion sera immédiate et, manu militari, si vous n’obtempérez pas à la première injonction.

    Nous plaisantons par dérision. S’il ne s’agissait que d’une maladresse individuelle ou que d’un rot cérébral, ce ne serait pas grave et il n’y aurait pas de quoi en faire un fromage. Toutefois cette expulsion a été une humiliation de plus pour des gens qui croyaient pouvoir quelques minutes oublier leur misère. Pourtant ce sont les gardiens du musée qui devraient avoir honte de leur comportement avec sa forte odeur de scandale.

    Un modèle réduit de la statue de la Liberté du sculpteur français Auguste Bartholdi (1834-1904) s'offre à la vision des visiteurs qui franchissent les portes du musée. La direction du musée commente : « Nul doute que la présence à l'entrée du musée de cette icône célèbre dans le monde entier, le plus significatif de tous les symboles américains, ne s'impose très vite comme l'une des images fortes du musée d'Orsay, à la fois parce qu'il s'agit d'une des plus importantes créations de l'art du XIXe siècle, mais également par sa dimension universelle ».  Il y a loin du symbole à la réalité. L’exclusion de la misère et de la précarité restera une image forte du Musée d’Orsay.

    Battone

     

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