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De quel bois sont-ils faits?
Des entreprises annoncent de nouveaux licenciements, la croissance est à zéro, l’austérité s’installe… Michel Sapin pratique la langue de bois et prétend que «ce n'est pas grave». Il reste sur les prévisions du gouvernement, à savoir une évolution du PIB à 1% et il applique la méthode Coué : «Nous sommes dans des chiffres qui sont parfaitement des objectifs raisonnables». C'est l'estimation sur laquelle l'équipe de Valls s'appuie pour atteindre 3% de déficit public en 2015. Bien obligé et du bout des lèvres, il reconnait toutefois qu’une croissance à 1% «sera insuffisante» pour relancer l'économie et endiguer le chômage…. «C'est pour ça qu'il faut réussir ce pacte de responsabilité», martèle-t-il… un pacte « adopté sous peu » et « mis en œuvre immédiatement» promet-il encore sur Europe 1. Fait de bois tendre, Sapin veut croire que le gouvernement attaque dans le bois dur. A qui s’adresse-t-il ? Au patronat car le pacte de responsabilité est un pacte antisocial.
Interrogés sur la politique fiscale, il croit rassurer en annonçant : «Les augmentations d'impôts, c'est terminé.» Les réductions de dépenses suffiraient, selon lui, à réduire le déficit. Il ne fait que répéter ce qu’ont déjà dit Hollande et Valls. C'est pour cela que «tous les ministères auront à faire un effort c'est légitime », ajoute-t-il mais rassure ensuite l’armée en précisant que celui de la défense sera protégé jusqu’au bout. Au bout de quoi ? On se le demande. Au bout des engagements au Mali, en Centre-Afrique… ? Au bout de la nuit ? Au bout du compte ? Au bout du bout ? Jusqu’où va-t-il nous mettre à bout ? Sapin est chargé des coupes budgétaires et il pourrait scier la branche sur laquelle il est assis. Lorsqu’une décision lui échoie, il affirme toujours faire le bon choix alors qu’il met la France est aux abois. Et lorsqu’il sort du bois, il fait des prévisions avec des « si » qui se transforment en coups de hache budgétaire. Pour administrer, la règle est de défricher le code du travail et le service public. Michel Sapin est le bûcheron du gouvernement Valls. On a envie de lui dire ce qu’écrivit Ronsard contre les bûcherons de la forêt de Gastine : Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras! - Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas; - Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force - Des nymphes qui vivraient dessous la dure écorce?
Pendant ce temps, son alter gogo Montebourg a mis, comme l’acteur enfile un costume de scène, une panoplie Alsthom pour s’opposer au rachat de cette entreprise par le géant américain Général Electric. Avec Valls, ils ont même signé un décret en date du 14 mai. Le texte renforce l’arsenal juridique de l’Etat pour protéger les entreprises stratégiques françaises, en étendant notamment à l'énergie, à l’eau, à la santé, aux télécoms et aux transports le mécanisme de protection des entreprises stratégiques contre les appétits étrangers. "Le choix que nous avons fait, avec le Premier ministre, est un choix de patriotisme économique", explique-t-il et de citer ce qu’il considère comme un succès exemplaire : l’entrée de l’Etat au capital de Peugeot pour 14% à égalité avec les Chinois.
Si le résultat de cette gesticulation médiatique, dans laquelle la Marinière a été remplacée par le bleu de travail Alsthom, sera une entrée de l’Etat au capital avec Général Electric, on peut s’en inquiéter plutôt que de s’en réjouir lorsque l’on constate l’attitude du même gouvernement dans le dossier de la SNCM. L’Etat possède 25% du capital de la SNCM plus une participation dans le capital de l’actionnaire majoritaire Transdev/Transport (66%). Ce groupe est détenu à 50 % par Veolia Environnement et à 50 % par la caisse des dépôts, donc l’Etat. Malgré cela, l’Etat apparaît comme un actionnaire minoritaire de la SNCM et ses représentants se sont abstenus lors du dernier conseil de surveillance, laissant Véolia Environnement décidait de l’avenir de la compagnie maritime. Nous verrons où les tergiversations du gouvernement et de Hollande mèneront la SNCM.
Quant à Alsthom, La vraie raison de l’opposition au rachat de la Général Electric est que l’Allemand Siemens lui est préféré en désaccord avec la direction d’Alsthom. Avec Peugeot et la SNCM, on s’aperçoit que l’Etat actionnaire fonctionne selon la pensée capitaliste. Il est solidaire des autres actionnaires et n’empêche pas les plans de licenciements.
Avec Alsthom, puisqu’il s’agit de défendre un groupe dont l’activité représente un intérêt stratégique pour la France, on se demande pourquoi le mot « nationalisation » est un « tabou » dans la bouche d’un gouvernement socialiste qui se dit de gauche. Les rodomontades de Montebourg, on connaît. On a pu aussi constater qu’elle ne change rien de la politique libérale menée par Hollande et ses gouvernements, politique qui conduit à la désindustrialisation de la France et au chômage de masse. C’est la même politique que la droite qui s’oppose à tout ce que fait ou dit Hollande et les membres du gouvernement dans une posture de prétendants au pouvoir. Ainsi Jean-François Copé a sorti que Montebourg nuit aux investissements étrangers dont la France aurait, selon lui, bien besoin. Il sait très bien qu’au bout des tergiversations, on nous expliquera que Général Electric a fait des promesses importantes qui lui ont fait emporter le morceau d’industrie française qu’est Alsthom… L’honneur sera sauf même si les promesses, bien sûr, ne seront pas tenues.
Au ministère de l’économie et des finances, nous avons des duettistes. Sapin affute sa langue de bois. Montebourg monte, monte, monte… puis redescend, redescend, redescend et disparaît. Sa mayonnaise franchouillarde ne prend plus. Ségolène Royal leur savonne parfois la planche pour montrer qu’elle existe au-delà de son ministère de l’Ecologie. Pendant ce temps, Laurent Fabius s’active en silence à la mise en place du grand marché transatlantique.
A l’Elysée, François Hollande surveille ses deux lignes de vie politique : sa côte de popularité et la courbe du chômage. Entre les messes élyséennes du mercredi, Manuel Valls se fait un peu oublier en attendant que le pacte de responsabilité soit adopté par le Sénat. Il a annoncé toutefois la bonne nouvelle : de nouvelles mesures fiscales allaient bénéficier à 3 millions de Français et permettre à 1,8 million de ménages de sortir de l'impôt sur le revenu. Ces ménages y étaient cependant entrés par des mesures fiscales prises par le gouvernement Ayrault. Il ne s’agit donc que d’une rectification après des mesures fiscales injustes. Cela représente une recette d’un milliard d’euros en moins, soit disant compensée par la lutte renforcée contre la fraude fiscale. Cette mesure a été arrachée par l’aile gauche du PS et Manuel Valls l’a introduite pour mieux faire passer le pacte de responsabilité… une vaseline politique en quelque sorte alors qu’il s’agissait d’injustice fiscale.
La vie reste un long fleuve tranquille même si le capitaine de pédalo a décidé d’accélérer le pédalage en remplaçant le rétro-pédaleur Jean-Marc Ayrault par les jambes plus jeunes de Manuel Valls. Le cap est maintenu malgré vents et marées. C’est une œuvre de démolition de la Gauche qui a été entreprise par François Hollande et ses partisans. C’est aussi une œuvre antisociale qui aura des conséquences graves sur le quotidien de chacun.
De quel bois sont-ils faits ? Le sapin dont on fait les cercueils mais qui est aussi l’arbre de Noël ? Seuls les petits enfants croient au père Noël. Les promesses de Sapin ne suffiront pas car, nous l’avons constaté, les cadeaux vont au patronat. C'est du bois de cercueil ce pacte de responsabilité, celui dans lequel ils sont en train d’enterrer tous les acquis sociaux et, avec eux, l’espérance en un monde meilleur.
Fucone
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