L’état détient 27% au capital de Dailymotion, plateforme française Vidéo. En octobre 2012, il s'agit du 31^e site le plus fréquenté au monde avec 116 millions de visiteurs uniques par mois et 2 milliards de vidéos vues par mois. Le ministre du Redressement productif a assuré avoir bloqué son rachat par l’américain Yahoo pour ne pas « abandonner Dailymotion entre les mains d'une société dont la santé est parfois vacillante et qui de surcroît risque de dévorer Dailymotion », Défendant son action sur France 2 jeudi soir, il a mis en avant que cette industrie qui "se développe va créer des emplois: je préfère qu'ils soient créés en France". Il ajoutait : « Nous avons une pépite extraordinaire, nous souhaitons la valoriser (...) et la développer sur d'autres marchés ».

Bien évidemment, cette décision a entraîné des polémiques à droite et à gauche. Curieusement Henri Guaino y est favorable alors que Pierre Moscovici a démenti avoir pris part à cette décision et s’en est de fait désolidarisé. La ministre déléguée au numérique Fleur Pellerin aurait vivement critiqué l’action de Montebourg. Les critiques se nourrissent aussi des déclarations faites par le PDG de France Télécom-Orange, Stéphane Richard, qui en conteste sa légitimité. "Dailymotion est une filiale d'Orange et non de l'Etat. C'est le groupe, sa direction et son conseil d'administration qui gèrent ce dossier" a-t-il déclaré dans le journal Les échos. Directeur de cabinet de la ministre de l'Économie Christine Lagarde, entre 2007et 2009, Serge Richard rejoint le 1/09/2009 la direction de l'international de France Télécoms, puis est nommé le 5/10/2009 à la tête des opérations France en remplacement de Louis-Pierre Wenes. Il en est le directeur général depuis le 1/03/2010 et président depuis le 24/02/2011. Inutile d’en dire davantage pour situer le personnage.

Les expériences avec d’autres firmes américaines n’ont pas suffi aux ultralibéraux de droite et de gauche. Les fermetures d’entreprises viables pour des raisons spéculatives ne servent pas de leçon. L’évasion du savoir faire français favorise les géo-délocalisations et menace les emplois. Le Figaro parle d’une affaire de 300 M$ avortée. Pour qui ? Pour les salariés de Dailymotion ou pour les actionnaires ? Le nouveau slogan de Dailymotion sera-t-il « acheter, licencier, délocaliser » ?

Si on regarde l’actualité de Yahoo, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un colosse aux pieds d’argile menacé par ses rivaux, Google en tête. C’est aussi une entreprise qui distribue des salaires et des primes astronomiques à ses dirigeants. La direction de Yahoo a débauché un cadre de Google : le coût de l’opération est de 60 millions de dollars. En effet, outre son salaire de base de 600.000 dollars, le nouveau directeur des opérations s’est vu accorder 36 millions de dollars en actions et des compensations, soit plusieurs millions de dollars. Dans le même temps, Yahoo pourrait annoncer d'importantes suppressions d'emplois.

L’ancienne dirigeante Marissa Mayer avait pour objectif de redresser le pionnier déchu de l'internet par la concurrence de Google notamment. Mark Zuckerberg est battu à plate couture ! Si le patron de Facebook a gagné près de deux millions de dollars en 2012, sa consœur de Yahoo!, Marissa Mayer, a gagné à 37 ans… 36,6 millions de dollars (près de 27,5 millions d’euros) pour six mois de travail. C’est ce qu’a révélé un document de la Commission américaine des opérations boursières (SEC) publié le 30 avril 2013. Voilà l’acheteur de Dailymotion !

Au-delà des critiques systématiques de la droite, cette affaire révèle que la fracture est aussi dans le gouvernement. François Hollande, en proche de Jacques Delors, a mis le curseur à droite. Avec son premier ministre, il a fait entrer au gouvernement (à des postes clés) des partisans de Strauss Kahn et des gens qui n’auraient jamais dû y être comme Jérôme Cahuzac et Laurent Fabius. En mettant Arnaud Montebourg à la tête d’un ministère qui a fait rire (le redressement productif !),  il croyait sans doute lui faire supporter les plans sociaux et l’impopularité qu’ils génèrent. C’était sans compter sur la grogne à l’aile gauche du parti socialiste et surtout la désaffection des électeurs qu’il a trompés. Le climat politique actuel donne une marge de manœuvre à Arnaud Montebourg qui ne s’en prive pas pour redorer son blason. Moscovici et Pellerin lui ont donné tort. La porte-parole du gouvernement, donc le gouvernement, lui donne raison. Les rapports de force changent.

Ne nous y trompons pas ! Tout cela n’est que de la politique politicienne. Dailymotion est devenu un enjeu politique même si cela peut servir son avenir. Pour une fois l’enjeu politique peut contrarier la spéculation. Il paraît que d’autres repreneurs se sont manifestés. Affaire à suivre…

Sur le fond, François Hollande et Jean-Marc Ayrault l’ont dit et redit. Ils ne changeront pas de cap. Le bruit se répand que La France obtiendrait un délai de deux ans pour atteindre l’objectif des 3% de déficit. La recette à la crise est toujours la même : l’austérité. D’ici-là combien de plans sociaux ? Combien de délocalisations ? Combien de chômeurs en plus ?

La marche du 5 mai à Paris concerne tous les démocrates qui veulent un vrai changement. Il ne peut avoir lieu sans une réforme constitutionnelle qui mette fin à la domination d’une caste politico-financière. Soyez nombreux pour que les voix de gauche soient enfin entendues par un Président qui se comporte comme Guy Mollet en son temps.

Pidone