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En Turquie, à qui profitent les crimes?
La Turquie a subi hier un nouvel attentat meurtrier : plus de 120 morts et prés de 300 blessés selon le dernier bilan connu. On parle de deux explosions au milieu d’une manifestation pour la paix, organisée par l’opposition et le HDP qui a obtenu 13% des voix aux élections de juin 2015 - Le Parti démocratique des peuples (en turc Halkların Demokratik Partisi ou HDP) est un parti politique turc représenté à la Grande Assemblée nationale de Turquie. Situé politiquement à gauche4,5 et issu de l'indépendantisme kurde, il se veut représenter la société turque dans sa diversité et rester dans la continuité du mouvement protestataire de 2013 (manifestations du parc Gezi). Le HDP est aussi qualifié de « SYRIZA turc » -.Hier à Ankara, il s’agissait de dénoncer la reprise du conflit entre l’Etat turc et les séparatistes kurdes qualifiés de « terroristes » par le pouvoir dit « islamo-conservateur » et son leader Erdogan. Les hostilités ont repris après un précédent attentat visant déjà l’opposition de gauche pro-kurde. Le 20 juillet dernier, à Suruc, lors d’un rassemblementà l’appel de la Fédération Sosyalist Gençlik DerneÄŸi (Association, Jeunesse Socialiste) pour aller à Kobanê, afin de contribuer à sa reconstruction, une bombe a explosé, aux environs de 12h, lors de la conférence de presse. De nombreuses caméras qui tournaient à ce moment-là ont filmé l’explosion qui a fait 33 morts et une centaine de blessés. Alors que la police turque privilégiait déjà la piste djihadiste, des manifestations suivaient contre la police, l’armée et le pouvoir en place tenu pour responsables. Depuis lors, l’alternance des agressions contre les forces de l’ordre et répressions aveugles a instauré une atmosphère de guerre civile alimentée par les bombardements turcs sur des groupes kurdes qui combattent Daesh en Irak et en Syrie.
A qui profitent ces crimes ? Quand il y a un attentat en Turquie, immédiatement le pouvoir met en cause le PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan, cette région du sud-est du pays où vivent environ quinze millions de Kurdes", a souligné le journaliste de France Alban Mikoczy,sur le plateau du 20 heures.
Ainsi Erdogan et sa clique veulent faire croire que des Kurdes frappent son opposition de gauche pourtant pro-kurde. L’autre hypothèse retenue pour le nouvel attentat d’hier serait la piste djihadiste de Daesh en représailles au ralliement turc à la coalition occidentale organisée par les USA. Curieusement les Djihadistes ne viseraient que l’opposition à un Erdogan qui, de son côté, les aide en bombardant les Kurdes. On constate alors qu’Erdogan frappe les Kurdes en Irak et en Syrie alors que Daesh organiserait des attentats contre les Kurdes et l’opposition de gauche sur le sol turc. La presse émet aussi l’hypothèse des radicaux nationalistes turcs, opposés aux Kurdes... ce qui nous ramène à Erdogan et aux services secrets turcs.
Le fait est qu’Erdogan a perdu sa majorité aux dernières élections qui ont vu émerger le part HDP et une opposition avec qui il doit composer. Le nouveau Sultan turc ne peut admettre qu’il est en train de perdre son pouvoir qu’il voudrait renforcer par une réforme constitutionnelle. Son entourage et lui-même ont été accusés de malversations financières. En réponse, des purges ont été faites dans la police et la justice. La presse fait l’objet d’une répression permanente qui s’est accentuée. Veut-il éliminer toute opposition ? Les permanences de l’opposition pro-kurde ont été saccagées. Erdogan a provoqué de nouvelles élections qui auront lieu dans trois semaines. Il est clair qu’il a jeté son pays dans un début de guerre civile pour apparaître comme le seul recours face à la chienlit dont il est, au moins politiquement, responsable.
A qui profiteront des attentats perpétrés contre l’opposition turque de gauche et les Kurdes, contre le parti HDP? Certainement pas à cette opposition et aux Kurdes.
Qui joue le double jeu dans le conflit avec Daesh ? Aujourd’hui, les USA et ses alliés reprochent fermement à Poutine de bombarder davantage des rebelles syriens non djihadistes que les djihadistes. Les USA et ses alliés se montrent moins fermes lorsqu’Erdogan bombarde les Kurdes qui combattent Daesh. Contre Poutine, l’OTAN donne même de la voix.
Ce que l’on peut dire, c’est que l’Etat turc ne clarifie pas sa position face à Daesh et que, pour s’ancrer durablement, une dictature s’affirme chaque jour davantage en Turquie, face à une opposition qui s’amplifie.
L’attentat d’hier, comme le précédent à Suruç, devrait faire l’objet d’une enquête internationale indépendante. Il est survenu alors qu’Erdogan mène campagne jusqu’à Strasbourg en France où il a organisé un grand meeting électoral ultranationaliste et négationniste, avant de recevoir une décoration en Belgique où le lobbying turc empêche la reconnaissance du génocide arménien…
Aujourd’hui, en Turquie, des manifestions se sont déroulées, malgré la répression policière, aux cris de « Erdogan assassin ! Erdogan voleur »
Nous avons envie de dédier au sultan Erdogan quelques vers en hommage à Nazim Hikmet[1]
"Les lampes de l'épicier Karabet sont toujours allumées,
Le citoyen turc ne pardonnera jamais
Que tu aies égorgé ses frères
Sur la montagne kurde
Il ne t'aime pas
Parce que toi tu ressembles trop
A ceux qui ont marqué il y a 100 ans
d'une tâche noire
Le front du peuple turc."Babbone
[1] Nâzım Hikmet Ran (Prononcé Nazɯm) né le 21 novembre 1901 à Salonique, et mort le 3 juin 1963 à Moscou, est un poète turc, puis citoyen polonais, longtemps exilé à l'étranger pour avoir été membre du parti communiste turc.
Son grand-père paternel, Mehmed Nâzım Pasha, était le gouverneur de Salonique, libéral et poète. Son père, Hikmet, diplômé du lycée de Galatasaray (qui s'appelait alors Mekteb-i Sultani) était fonctionnaire. Sa mère, Celile Hanım, linguiste et pédagogue, petite-fille d'Ismail Enver, parlait français, jouait du piano et peignait.
Tags : Attentat, Turquie, Ankara, Suruç, Erdogan, HDP, PKK, Daesh
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