• François Hollande oublie le socialisme

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    Décidément François Hollande affectionne l’anaphore et, hier, il en a abusé jusqu’à l’overdose en multipliant les syntagmes de façon insupportable. Trop d’anaphores tuent l’anaphore et nous rappellent celle du candidat Hollande. Elle ne fut qu’un effet oratoire dont on a mesuré le ridicule et l’hypocrisie trop tard. Va-t-il nous refaire le coup à chaque fois ? Un poète ne limite pas son talent à une seule figure de style mais François Hollande est d’un prosaïsme consternant. Il préfère la langue de bois à celle de la vérité. Il ne nous fait pas rêver de beauté et d’idéal.

    Nous n’allons pas revenir en détails sur le contenu de son discours politicien sur le pacte de compétitivité, le pacte de responsabilité, la suppression des cotisations familiales pour les entreprises sans nouveau financement divulgué, les menées militaires en Afrique, l’antisémitisme de Dieudonné, l’euthanasie…etc.

    Le principe du compromis avec les entreprises est déjà connu :"moins de charges sur le travail et moins de contraintes sur les activités" contre "plus d'embauches et plus de dialogue social". François Hollande a annoncé la "fin des cotisations familiales" versées par les sociétés (mesure contenue dans le programme de l’UMP), soit 30 milliards d'euros en moins par an, d'ici 2017. Ce montant inclut le crédit impôt compétitivité emploi (Cice), issu du pacte de compétitivité de novembre 2012. Précisément, les entreprises devront décider, à partir de 2016, si elles souhaitent ajouter à ce crédit d'impôt, d'un montant total de 20 milliards, une baisse des charges supplémentaires, de l'ordre de 10 milliards, ou mixer les deux dispositifs en une baisse générale de charges de 30 milliards. François Hollande a justifié cet allègement conséquent des charges patronales par une politique de l’offre nécessaire à la croissance. Il parle en économiste libéral et en comptable du déficit budgétaire. Il promet des économies drastiques jusqu’en 2017 de l’ordre de 18 milliards par an.  On a envie de lui balancer une réplique du Président Beaufort joué par Jean Gabin dans le film d’Henri Verneuil : « Mais en écoutant M. Chalamont, je viens de m'apercevoir que le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce que l'on veut. Les chiffres parlent, mais ne crient jamais. C'est pourquoi ils n'empêchent pas les amis de M. Chalamont de dormir. Permettez-moi messieurs, de préférer le langage des hommes : je comprends mieux ».

    Nous avons noté les non-dits significatifs dans le discours du Président. Nous ne pensons pas à son refus de clarifier sa vie privée qui empiète sur sa fonction par la présence d’une concubine adoubée Première Dame de France par le Président puis trompée par son « homme » avec une actrice. Nous ne saurons pas quel statut sera donné à la Première Dame de France, s’il s’agira d’un CDI ou d’un CDD. Quel sera  le statut de la deuxième Dame de France ? On apprend que la Ministre de la culture vient d’annuler in extrémis un projet de poste à la Villa Médicis. Y aura-t-il un remplacement de la première par la deuxième pour un rajeunissement de la fonction de 20% ? La remplaçante a 41 ans alors que la titulaire en a 49. Nous nous attendions au refus de clarification, c’est-à-dire à une attitude lâche et hypocrite. François Hollande n’est fidèle qu’à lui-même. Il a simplement fait valoir que la statut de Première dame n’existe pas, qu’il s’agit d’usage et que cet usage ne devait pas coûter trop sur le budget de l’Elysée. On n’avait bien compris que François Hollande s’était confortablement installé dans la Cinquième république, ses avantages et ses usages.  Il se comporte comme ses prédécesseurs en faisant croire qu’il coûte moins cher.

    Revenons à son discours politique. Il n’a jamais prononcé le mot de salarié ou d’ouvrier. Nous n’avons pas entendu celui de « licenciement » pas plus que ceux de « conflits sociaux » ou « grève ». Il évite le mot « capitalisme » ou « libéralisme ». Il oublie le mot « socialisme ». Aucun gros dossier social n’a été évoqué. Notre président ne connaît que les termes « emploi » et « chômage ». Il veut être jugé dans trois ans sur ses résultats, c’est-à-dire sur des statistiques et des courbes. Il a besoin pour cela des « entreprises » qui créent de la richesse.  Ce n’est donc pas le travail qui la crée. Lorsqu’il emploie le mot « entreprise », il pense aux patrons. C’est à eux qu’il s’adresse car, selon lui, ce sont les patrons qui donnent du travail. Le travail est réduit à une contrepartie éventuelle des cadeaux qu’il leur fait. Il n’est pas étonnant que son discours plaise au patronat et à une partie de la Droite. Il y a un autre mot qu’il a eu du mal à dire, c’est celui de « social démocrate ». Un journaliste en a fait les frais lorsqu’il lui a demandé pourquoi il refusait de s’affirmer social démocrate. Le président lui a répondu par une moquerie signifiant que la question était idiote… Il ne faut pas lui dire qu’il est social démocrate mais il faut le comprendre car il n’est pas un social démocrate comme les autres. Pourtant la presse internationale le compare à Blair et Schroeder.

    Hier François Hollande s’est encore éloigné des valeurs de la gauche. Il se trouve que quelques heures après son intervention télévisée, nous avons assisté à une lecture de textes écrits par Jean Jaurès. Quel contraste entre ce grand homme et le leader actuel du Parti socialiste ! Pourtant, en mai 1981, un autre François élu à la Présidence de la République, s’était rendu au Panthéon et s’était incliné devant la tombe de Jean Jaurès. Quel reniement depuis lors ! Quelle trahison !

    Certes Jean Jaurès était un orateur et a parfois utilisé l’anaphore mais ce n’était pas un artifice redondant et ridicule car ses propos était ceux d’un homme de gauche, d’un homme menant des combats au lieu de prêcher les vertus du compromis. Et que l’on ne nous dise pas que Jean Jaurès est un homme du passé car il a laissé une parole actuelle et tournée vers l’avenir. Il est resté un précurseur. Le passé, c’est cette Droite recroquevillée sur un système capitaliste qui creuse les inégalités et génère de crises financières. Le passé, c’est la sociale démocratie qui abandonne les idéaux de gauche pour chercher des compromis avec le libéralisme économique en oubliant le peuple de gauche. François Hollande est un homme de droite, n’en doutons plus. Il a choisi son camp : celui du Medef. Il aura les honneurs de la presse libérale.

    Sur le plateau de la deuxième chaîne, auprès de David Pujadas, Michèle Cotta, journaliste et sénatrice socialiste, a trouvé François Hollande « moche et minable ». Il paraît qu’elle plaisantait hors antenne. S’agissait-il d’un jugement sur son physique ou sur sa moralité ? Ou bien sur les deux ? Pour notre part, nous avons trouvé ses propos affligeants dans la forme et sur le fond.

    Nous avons par contre retenu un conseil de Jean Jaurès: « Restez intraitables sur le principe de liberté et ne construisez rien sans morale ». On ne peut détacher cette exhorte d’une autre : « «  Le pays de France, nous dit-il, ne saurait se passer longtemps d’idéal. Or la liberté étant sauvée, de quel côté pourra se tourner le besoin renouvelé d’idéal, si ce n’est vers la justice sociale ? ». Il a écrit aussi l’éditorial du premier exemplaire du journal « L’humanité [1]» dont il a été le premier directeur politique mais aussi un long texte pour la Jeunesse ou encore, bien avant Badinter, combattu la peine de mort. Quelle stature ! Quelle voix pleine de ferveur et d’espérance. Il nous parle toujours alors que François Hollande nous est devenu inaudible. Il ne représente ni la gauche de lutte ni la gauche au pouvoir. La Gauche est dans l'opposition à sa politique.

    Pidone



    [1]Le premier numéro de L'Humanité paraît le lundi 18 avril 1904. Pour Jean Jaurès, son fondateur, ce nouveau quotidien socialiste (qui avait comme sous-titre « Journal socialiste quotidien ») doit être dans un premier temps un outil pour l'unification du mouvement socialiste français et, par la suite, un des leviers de la lutte révolutionnaire contre le capitalisme.

    Dans son premier éditorial, Jaurès souhaite fixer deux règles de fonctionnement à son nouveau journal : la recherche d'information étendue et exacte pour donner « à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde », et l'indépendance financière.

     

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