• Giscard est sorti de la naphtaline...

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    Jacques Chirac étant physiquement indisponible, la presse nous a ressorti Valery Giscard d’Estaing le très ancien président devenu Immortel dans cette Académie française où la politique est venue polluer les belles lettres et les Arts sous la direction du controversé Gabriel de Breuil, le chancelier de l'Institut de France, moqué pour son extrême arrogance,  pointé du doigt pour ses pratiques peu scrupuleuses. Le journaliste Daniel Garcia a livré une enquête sur cette institution vieille de plusieurs siècles. Le passage intitulé "Le Monopoly du Quai Conti" révèle l'immense richesse de l'Institut de France, la maison mère de l'Académie française et de ses sœurs. La Coupole est très riche : sa fortune est estimée à un milliard d'euros. Le journaliste s'étonne de la bienveillance suspecte de la Cour des comptes quant à la mauvaise gestion des finances de la Coupole et s’arrête sur des dossiers inconnus ou presque du grand public. S'y croisent : Nicolas Sarkozy, Liliane Bettencourt et sa fille, Éric Woerth.

    Dans ce marché de l’occasion qu’est l’Académie française, Valéry Giscard d’Estaing a obtenu en 2003 l’habit vert de feu Léopold Sédar Senghor.  Un ancien président africain ! Un véritable pied de nez honteux à l’histoire du septennat giscardien entaché par ses amitiés avec Jean Bédel Bokassa et l’affaire des diamants. Sa postérité contestée ne suffisait pas à Giscard, il lui fallait l’immortalité symbolique. Ce n’est cependant pas avec son œuvre littéraire qu’il a obtenu son fauteuil. Il s’y est installé et on pouvait au moins espérer qu’il y resterait assis avec les autres vieillards cacochymes de ce cercle réactionnaire.

    Et bien non ! Il est sur les ondes radios jusqu’à hier soir, le JT de FR2. Déjà interrogé jeudi 8 mai par Europe 1, il critique ce jour de commémorations qu’il avait supprimé en 1975, soucieux, à cette époque, de contribuer à la réconciliation avec l’Allemagne et à la construction de l’Europe libérale dont il est l’un des promoteurs les plus zélés, puisqu’il présida la convention pour l’avenir de l’Europe qui déboucha sur le Traité de Rome.  Les commémorations ont été rétablies en 1981 par François Mitterrand. Décidément, le 8 mai ne rappelle que des mauvais souvenirs à Giscard et il a trouvé un nouvel argument pour l’effacer du calendrier officiel.

    Pour Giscard, il faut travailler plus pour produire plus.  Il considère que le 8 mai  "ce n’est pas simplement une journée fériée, c’est une journée chômée, où la France ne travaille pas, où la France, qui n’a pas de croissance, qui est un pays affaibli économiquement, va avoir trois jours où elle ne travaillera pas. C’est tout à fait illogique".  C’est ce qu’il a dit lors de son passage à Europe1 et qu’on lui a fait répéter ailleurs, pour ouvrir à nouveau le débat libéral sur la durée du travail, les jours de vacances et les jours chômés.

    Lors du débat télévisé de l'entre-deux tours, le 5 mai 1981, François Mitterrand qualifie Valéry Giscard d'Estaing d'« homme du passif », en réaction à « l'homme du passé ». Aujourd’hui, il est les deux. Il est l’homme d’un passé qui a mis l’Europe dans l’entonnoir libéral qui a mené à la crise que l’on connaît. Il est l’homme du passif avec la mise en place du système bancaire européen qui est responsable de la dette et des politiques d’austérité. 

    On se demande combien de temps encore, on va nous ressortir Giscard d’Estaing qui sent la naphtaline de son habit vert. La naphtaline aurait dû le préserver des mythes mais il n’en est rien.  Qu’il nous épargne sa mythomanie, ses romans à l’eau de rose et ses fantasmes avec les princesses. Son ouvrage « La Princesse et le Président » (mettant en scène une relation sentimentale de deux personnages, qui rappellent Lady Diana et lui-même) démontre que même le ridicule ne le tue pas. L'opinion britannique relayée par la presse a hésité entre « hilarité et curiosité » selon les termes du journal The Guardian. Face aux interrogations des journalistes, Giscard  a finalement affirmé avoir « inventé les faits ». Le Times a émis l’hypothèse que cette parution buzzante avait pour une volonté d'éclipser la publication des mémoires de Jacques Chirac, son éternel ennemi politique à l'intérieur de la droite française. Aujourd’hui, il n’a plus qu’un ennemi, lui-même. Il suffit de l’avoir écouté au JT soir de FR2 le 10 mai. Interrogé par un Laurent Delahousse respectueux et parfois obséquieux, il explique d’abord que les Français sont conservateurs et ne veulent pas de changement pour ensuite dire qu’il a été élu parce que les Français sont des gens impatients et qu’ils voulaient le changement. Et dire qu’il siège encore au Conseil constitutionnel aux côtés de Nicolas Sarkozy!

    A quelques jours des élections européennes, il faut se souvenir que Giscard était opposé au recours à un référendum pour décider de la constitution européenne. Il n’était pas favorable au suffrage universel direct pour élire les députés européens. Il était l’un des partisans de la construction européenne par une élite technocrate. Président du Conseil général d’Auvergne, il a aussi siégé au Parlement européen entre 1989 et 1993. Il était président du groupe Libéral, Démocrate et Républicain (LDR) jusqu'en 1991. Il a pris position en faveur du "oui" lors de la campagne référendaire sur l'adhésion de la France au Traité de Maastricht. Avec Helmut Schmidt, il a créé en 1986 le Comité pour l'Union monétaire de l'Europe.  De 1989 à 1997, il exerce la présidence du Mouvement International Européen. Il est  Président de l'Institut pour la Démocratie en Europe. Il a participé à réflexion sur l’organisation européenne et ses perspectives qui a conduit au traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé le 29 octobre 2004 à Rome et rejeté en France et dans d’autres pays européens par référendum…

    Lors de sa présidence, Giscard n’a jamais organisé de référendum, comme Sarkozy plus tard. Il serait surprenant que François Hollande en organise un. C’est un aspect gaullien de la Cinquième république qui ne fait plus recette chez les présidents de la république. Ils ont tous une idée de la démocratie très présidentielle et même néo-monarchique. Giscard a même hérité d’un nom à particule achetée par son père Edmond Giscard (1894-1982), devenu Giscard d'Estaing en juin 1922. Quant à Sarkozy, c’est un arriviste avec la mentalité d’un roturier. Hollande est l’archétype de l’énarque et a installé l’énarchie et la technocratie. Les technocrates sont, comme l’a dit Coluche, « les mecs que, quand tu leur poses une question, une fois qu'ils ont fini de répondre, tu comprends plus la question que t'as posée ». L’énarchie c’est  la tyrannie des "experts" et des technocrates qui imposent sans discussion les verdicts du nouveau Léviathan que sont les "marchés financiers" et qui n'entendent pas négocier mais "expliquer". En ce sens, on peut dire que François Hollande est dans la lignée des anciens élèves de l’ENA que sont Giscard et de Chirac, davantage que celle de Mitterrand dans la période 1981 à 1983.

    Giscard était de la promotion « Europe ». Et oui ! Son action et sa propagande libérales étaient préméditées.  Chirac était de la promotion « Vauban » partisan du pré-carré. Il est sorti de celui de la politique et se trouve maintenant enfermé dans celui construit autour de lui par sa femme. Pour Hollande, c’est Voltaire qui disait : « Je compterais plus sur le rôle d'un homme espérant une grande récompense que sur celui d'un homme l'ayant reçue.  » Avec le président Hollande, on sait à quoi s’en tenir et que la Gauche peut compter sur lui lorsqu’il attend une récompense électorale. Après, il lui tourne le dos.

    U barbutu

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