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L'entonnoir littéraire
Tous les éditeurs et les auteurs le savent : avec les 5,5% de TVA, il est difficile sur le hors-taxe de rémunérer tout le monde : Editeur, diffuseur, libraire, graphiste, correcteur... et l'auteur qui est souvent le laisser pour comptes. C’est connu : l’auteur est au début de la chaîne du livre et rarement ou mal payé en bout de chaîne. Seulement 3% des auteurs vivent de l’écriture. Une augmentation de 1,5 % de la TVA sur les livres, c’est comme si le gouvernement tirait sur une ambulance. En cette période de crise, le livre n’est pas considéré comme une nécessité chez les lecteurs-consommateurs et tous les libraires ont constaté une baisse des ventes considérable en 2010 et 2011. La TVA est un impôt injuste et, dans le secteur du livre, elle freine les achats, donc, à terme, elle met en danger la chaîne du livre. Les petits libraires sont en première ligne : leur disparition livrerait la production littéraire à la culture des grandes surfaces et à la loi du marché dont les uniques bénéficiaires sont les grandes maisons d’édition qui fabriquent des plumitifs et des best-sellers commercialisés à grand renfort de publicité. La mort des petits libraires précèderait celle des petites maisons éditions et de bons nombres de salons littéraires. Alors on peut s’interroger : soit le gouvernement ne tiendra-t-il pas compte des effets de la hausse de la TVA dans sa logique de rigueur, soit s’agirait-il d’une mort annoncée et donc de la programmation de cette mort lente ? Dans les deux cas, le marché régulera la production littéraire. La loi du marché mettra au premier plan le profit au détriment de la culture. On représente souvent l’apprentissage de la connaissance par un entonnoir : la réduction du nombre des librairies et des éditeurs ne ferait que permettre d’en contrôler l’embout.
Ne suffit-il pas de réduire le nombre des journaux pour contrôler la presse ? C’est la même chose pour la littérature. Dans cette perspective, l’e-book sera l’avenir du livre tant que la loi du marché ne viendra pas contrôler la production littéraire de l’Internet. D’ici-là, tout un pan de cette production aura disparu dans les secteurs de la vente, de l’impression, de l’édition et de l’écriture. D’aucuns accusent déjà les petits éditeurs d’être la cause d’une surproduction. Leur production encombre d’autant moins les réseaux de distribution, qu’elle n’y a encore qu’un accès très limité. Visible et bien défendue chez les indépendants, la petite édition est présente mais souvent confinée dans les chaînes. Elle demeure généralement absente des grandes surfaces.
Il faut se méfier des dirigeants qui promettent le meilleur des mondes, dans lequel ils sont les Alpha et les Bêta! Nicolas Berdiaef nous mettait en garde : « Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive ? Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société non utopique, moins parfaite et plus libre. » Donc les 7% ne vont rien arranger dans une période qui voit les ventes diminuées de 20 à 40% selon les endroits. Wait and see!
Signé: Pidone
Tags : littérature, livres, TVA, Huxley, meilleur des mondes, culture, entonnoir
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