• La carte postale européenne de Sarkozy

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    Dans la campagne des élections européennes, François Hollande à choisi la tour d’ivoire. Nicolas Sarkozy a attendu le 22 mai pour publier une carte postale politique sur sa vision de l’Europe dans l’hebdomadaire français « Le Point » et le quotidien allemand Die Welt.

    « D'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours senti viscéralement français ». Le ton est donné. Voilà l’entame de ce qui apparaît comme un discours minutieusement préparé avec, comme boussole, quelques sondages dont l’ex-Président est friand.  À trois jours du scrutin, il en appelle à un renouveau européen préservant « un modèle de civilisation » ( thème cher au FN) avec  « une grande zone économique franco-allemande » et, pour faire plaisir aux électeurs de l’extrême-droite, il préconise la sortie de l'actuel Schengen pour définir un deuxième Schengen, réagissant sans doute aux sondages prévoyant que l'UMP pourrait être dépassée, dimanche, par le Front national. C’est pour cela qu’il concède  « l'échec sans appel » de "la question essentielle des flux migratoires". Marine Le Pen doit se sentir dépossédée d’un discours qui faisait jadis sa singularité xénophobe et qu’elle doit maintenant partager avec l’UMP de Sarkozy et Copé.

    Nous n’allons pas revenir sur toutes les prises de position du touriste politique Sarko dont certaines n’ont pas changé, sachant que l’aspect social n’a jamais été la préoccupation de Sarkozy, même s’il dit comprendre que la situation actuelle de l'UE est source d'exaspération et de "colères" chez les Français. En habitué des grands écarts politiciens, il se veut défenseur de « la spécificité de notre modèle », histoire de rassurer les Français réticents envers Bruxelles et sa bureaucratie. C’est son interprétation des sondages. « Nous devons être européens et français », lance-t-il comme on jetterait des graines aux coqs gaulois dans le poulailler européen avant de regretter « l’absence de leadership actuelle » comme un compliment qu’il se fait à rebours, relayé en cela par quelques ténors de l’UMP rappelant que, durant son quinquennat, le couple franco-allemand Merkozy était le "moteur" de l'UE. C’est l’art de transformer un échec en succès, du plomb en or avec la pierre philosophale du cynisme politique. Ainsi cette absence de leadership implicitement reproché à François Hollande,  "met l'Europe en danger" selon Sarkozy qui fait du tourisme politique. Le  grande zone franco-allemande, selon lui, « nous permettra d'abord de mieux défendre nos intérêts face à la concurrence allemande, en gommant nos handicaps fiscaux et sociaux », et il ajoute : « nous permettra ensuite de prendre le leadership des 18 pays qui composent notre union monétaire », en précisant qu’il souhaite également « plus d'intégration » pour les 18 pays de la zone euro. Il oublie que, malgré des rencontres et des tractations multiples, les différences fiscales et sociales n’ont pu être gommées entre la France et l’Allemagne sous son quinquennat, à moins de s’aligner platement sur le modèle allemand dont lui-même et son entourage n’ont cessé de louer les vertus en en dissimulant les vices financiers.

    Sarko propose de sortir de Schengen et de supprimer « pas moins de la moitié des actuelles compétences communautaires ». Il ne détaille pas vraiment son projet en ajoutant que celles-ci « devront demain être assumées par les États nationaux, et en regroupant les compétences de l'Europe en une petite dizaine de politiques prioritaires et fondatrices : l'industrie, l'agriculture, la concurrence, les négociations commerciales, l'énergie, la recherche... » Il va loin en proposant cela mais quand, pour la première fois, le président de la commission européenne va sortir d’une élection contrairement à ce qui a été fait jusque-là. Alors qu’il n’avait jamais remis réellement en cause son rôle législatif, il décrète que : « La Commission ne devrait plus avoir de compétences législatives puisqu'il y a un Parlement européen, c'est à lui et à lui seul de légiférer. » Sur ce point, on peut être d’accord avec lui mais la vraie question a toujours été le mode non démocratique de fonctionnement de cette commission et de la nomination de son président. La question reste le fonctionnement démocratique de l’Europe. Avec sa proposition, c’est comme si Sarkozy montait dans le train, avec plus de bagages que les autres, mais au terminus. Il ne reste plus qu’à faire le trajet d’un retour en arrière. C’est ce qu’il propose implicitement dans un débat qui, ne l’oublions pas, est celui d’un campagne électorale qui, comme les trains, en cache une autre.

    Au lieu d’aller vers une Europe véritablement démocratique, Sarkozy veut la détricoter. Il a estimé que « Nous devons cesser de croire au mythe de l'égalité des droits et des responsabilités entre tous les pays membres. » Ainsi le couple franco-allemand pourrait faire à d’autres ce qui a été fait à la Grèce puisqu’à aucun moment Nicolas Sarkozy n’a remis en cause le rôle joué par la Troïka. Il souhaite donc une Europe à deux niveaux entre les pays riches et les pays pauvres. Ainsi l’UMP a pour candidat à la présidence de la commission européenne le représentant du Luxembourg, petit pays de 2586 km2 et 524 853 habitants mais paradis fiscal. Le Luxembourg est objectivement un paradis fiscal. Il est certain que si M. Jean-Claude Juncker, candidat de la droite européenne (donc de l’UMP) prend la présidence, il vaut mieux lui ôter tout pouvoir législatif et en faire non pas le chef d’un Exécutif à part entière mais l’exécutant des lois faites et votées par le Parlement européen.

    "Suspendre Schengen ", cela signifie en sortir et il faudra des décennies pour s’entendre sur une nouvelle version. Cela remet en cause la libre circulation mais aussi l’espace judiciaire. Quid de la lutte contre la fraude fiscale ? Quid de la lutte contre la traite des êtres humains ? Quid de la coopération policière et judiciaire dans l’espace Schengen ? What else ? Pour Nicolas Sarkozy, les pays membres d’un nouveau Schengen ne pourraient adhérer qu'après avoir préalablement adopté une même politique d'immigration". "C'est une évidence", dit-il. "Ainsi serait-il mis fin au détournement de procédure qui permet à un étranger de pénétrer dans l'espace Schengen, puis une fois cette formalité accomplie de choisir le pays où les prestations sociales sont les plus généreuses. [...] Si nous ne réagissons pas rapidement dans les années qui viennent, c'est notre pacte social qui va exploser"… On dirait qu’il reprend les arguments du FN. L’immigration est un problème qui remet seul en cause la libre-circulation dans l’espace Shengen et tout ce que cela implique.

    Sarkozy supprime ce qu’il y a de constructif dans l’union européenne qu’il veut sous la domination du couple franco-allemand. A aucun moment, il évoque un changement idéologique et un abandon de la politique d’austérité, comme si on pouvait en supprimer les conséquences désastreuses en la nommant « sérieux budgétaire » comme le font les dirigeants allemands.

    Seize mille signes pour terminer sur cette pépite pro-européenne : « Ne laissons pas détruire, ni aujourd'hui ni demain, ce trésor ! »  Qui veut la détruire ? Il ne l’écrit pas. Si cette sortie n’a pas dû réjouir tout l’UMP, chacun a joué l’hypocrite sauf les Sarkozistes qui ne tarissent jamais d’éloges lorsqu’il s’agit de leur mentor. Depuis son échec de 2012, Sarkozy ne cesse de préparer son retour. Il a sans doute tout fait avec ses amis pour que personne ne lui fasse de l’ombre dans son camp. Le seul obstacle à son retour reste les affaires qui menacent l’existence même de l’UMP. Il est comme une éponge gorgée de sondages et, de temps à autres, il presse un peu de son jus politicien pour arroser la fleur d’un nouveau printemps présidentiel  pendant que la rose de Hollande est sans épine sociale et sans pourquoi lorsqu’il s’agit de se remettre en cause.

    Le Front national est devenu le concurrent direct de l’UMP qui continue à donner des gages aux électeurs extrême-droitistes. Sarkozy a lancé le gros pavé dans la mare UMP en remettant en cause l’espace Schengen. L’immigration est devenue un thème de campagne repris par Jean-François Copé hier soir sur FR2. Sur le plateau de "Des paroles et des actes" (France 2), les chefs de file de l'UMP, du FN et du Front de gauche se sont disputés sur la question de l'immigration. Copé reprend l’idée du FN qui est de supprimer l’assistance médicale gratuite aux immigrés clandestins, ce qui fait éclater de rire Marine Le Pen. Et dire que Copé a le culot de vouloir faire l’amalgame entre le Front de gauche et le front national ! Ce qui lui fait remarquer Jean-Luc Mélenchon.

    Fucone

    Pour ceux qui n’ont pas suivi le débat, une séance de rattrapage... 

    .... en cliquant ICI.

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