• La nécessité d’une convergence sociale majoritaire d’écologie populaire

     

    Pour une écologie populaire

     

    Ce texte de synthèse a pour but de faire le point sur la perspective écologique au sein de la gauche de transformation sociale, à partir de la situation française actuelle, notamment pour les élections présidentielles et législatives prévues dans le premier semestre 2017.

    La nature est un champ de bataille

     Les ressources naturelles fondamentales, nécessaires à la vie des sociétés humaines sur notre planète, ont depuis longtemps été l’enjeu de luttes féroces dans les sociétés humaines : conflits pour l’accès à l’eau potable, aux sols les plus fertiles, aux minerais les plus utiles, aux espaces naturels les plus riches en biodiversité, aux sources d’énergie les plus efficaces.

    L’actualité récente dans notre pays illustre le fait que la nature est un champ de bataille entre forces sociales : conflits pour l’eau autour du projet de barrage de Sivens (Occitanie), où les patrons de l’agro-business du maïs veulent s’approprier la ressource contre les paysans travailleurs et tous ceux qui veulent préserver la ressource et diversifier ses usages au profit du plus grand nombre ; conflits pour les sols autour de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Grand Ouest), où les lobbies du béton, de l’aviation avec les milieux d’affaires veulent exproprier des agriculteurs et imposent à la population de la région son mode de vie anti-écologique, émetteur de gaz à effet de serre qui détruisent notre climat ; conflits pour le littoral, autour des boues rouges de Gardanne (Provence), où un industriel se permet de détruire un littoral fragile et très recherché pour des intérêts à court terme afin de produire des cannettes d’aluminium ; conflits partout en France pour l’énergie autour des centrales nucléaires, où les nucléocrates veulent faire durer leurs vieilles centrales au risque de détruire des régions entières et imposent de construire des prototypes inutiles (ITER, …) aux frais des contribuables au lieu de se convertir à une transition énergétique soutenable pour notre environnement.

    Les mouvements sociaux populaires de défense de l’environnement aujourd’hui

     Notre époque est celle où l’humanité est capable de détruire plusieurs fois la vie humaine sur notre planète avec les armes nucléaires. C’est celle où le capitalisme surexploite les ressources naturelles au point de ne pas les laisser se renouveler naturellement ou des les épuiser irréversiblement. Celle où nos villes, nos campagnes, nos espaces naturels subissent une multiplicité de pollutions : pollutions locales par les engrais et les pesticides, mais aussi par les émissions de particules fines des moteurs diesel ; pollutions régionales de l’air par les pics d’ozone en été et de dioxydes d’azote en hiver, du fait du tout automobile et du tout camion dans les transports ; pollutions globales par les émissions de gaz à effet de serre générées par le mode de vie capitaliste des pays les plus développés économiquement qui détruisent rapidement notre climat, générant des centaines de millions de réfugiés climatiques, submergeant les littoraux, déplaçant vers le nord les maladies tropicales et détruisant les espèces naturelles qui n’ont pas le temps de s’adapter.

     Mais c’est aussi celle où de nouveaux mouvements sociaux populaires de protection de notre environnement naturel, base de la vie des sociétés humaines, se sont développés : mouvements pour la paix contre les armes nucléaires ; mouvements anti-nucléaire civil ; mouvements de défense de notre patrimoine naturel contre les prédateurs capitalistes et leurs valets de la bourgeoisie d’Etat, planqués dans les ministères et la haute administration.

    Ces mouvements sociaux populaires de défense de notre patrimoine naturel sont multiples, comme sont multiples leurs terrains d’actions, du plus local au plus global. Ils sont divers par leurs objets : eau, air, sols, sous-sols, ressources énergétiques, biodiversité, grands écosystèmes, climat, qui sont des ressources naturelles critiques, indispensables à la vie de nos sociétés.

     Mais ils se développent et, contrairement aux discours moralisateurs individuels ou faussement consensuels du capitalisme vert, ils s’attaquent de plus en plus aux vrais responsables : les patrons du capitalisme privé et du capitalisme d’Etat, qui imposent pour leurs profits de grands projets inutiles tout en refusant la généralisation d’un mode de vie écologique pour toutes et tous.

     Ces mouvements demandent à la fois l’écologie et la justice, la justice environnementale. Car ce sont les classes populaires, les peuples dominés qui subissent le plus les conséquences de la destruction de notre patrimoine naturel commun, tandis que les classes aisées espèrent, pendant un certain temps, se réfugier dans leurs résidences fermées et leurs îlots de prospérité saine.

     La nécessité d’une convergence sociale majoritaire d’écologie populaire

     Ces mouvements sociaux renouvellent les anciennes perspectives de la lutte des classes entre travailleurs et patrons. Car ils intègrent, au delà des travailleurs des entreprises, des habitants, simples citoyens défendant leur droit à un environnement naturel sain pour eux et leurs enfants, dans une perspective de plus longue durée : celle de leur génération et des générations futures. Socialement ces mouvements sociaux populaires de défense de notre patrimoine naturel commun regroupent d’abord des classes moyennes fortement éduquées, mais aussi des précaires, des salariés retraités, des jeunes non encore insérés dans le travail, des femmes qui accomplissent principalement des tâches domestiques.

     La mobilisation des travailleurs dans leurs syndicats, qui, selon leur branche professionnelle, leurs métiers, doivent s’approprier les questions écologiques et les lier à leurs revendications, ne suffit pas. Il faut voir plus grand, plus large. Il faut organiser, comme cela s’est fait en novembre-décembre 2015, au moment de la 21e Conférence des Parties sur le Climat (COP 21), une convergence populaire majoritaire des travailleurs, des classes moyennes salariées, des habitantes et habitants, des jeunes, des peuples dominés pour la protection de notre patrimoine naturel commun contre les prédateurs du capitalisme néo-libéral financier et globalisé et leurs valets dans les administrations et les gouvernements. C’est-à-dire une vaste convergence d’écologie populaire, majoritaire socialement mais aussi visant l’hégémonie dans l’opinion publique, contre les chiens de garde du capitalisme, en particulier les médias aux mains des bétonneurs, des marchands d’armes, et des pollueurs en tous genres. C’est la force de ce mouvement collectif, divers en organisations, mais rassemblé sur des objectifs communs, qui peut renverser les rapports de forces sur les questions écologiques, imposer aux institutions politiques des changements et des avancées et contrôler l’application des décisions prises.

    Les propositions immédiates d’une écologie populaire

     A l’échelle nationale, les défenseurs d’une écologie populaire, correspondant aux intérêts du plus grand nombre, conformément aux principes de la démocratie, doivent mettre en avant, à la fois dans les luttes et s’ils participent à un gouvernement de changement écologique et social les propositions immédiates suivantes suivant cinq axes fondamentaux :

     Organiser la transition énergétique des énergies fossiles aux énergies renouvelables :

    • Sortie programmée du nucléaire
    • Développement d’une électricité 100 % renouvelable selon le scénario de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie)
    • Augmentation de l’efficacité énergétique dans les bâtiments, les transports, l’industrie et l’agriculture.
    • Développer une alimentation saine et une agriculture paysanne
    • Interdiction des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés dans nos assiettes)
    • Développement de la filière agricole biologique avec menus bio dans les cantines
    • Soutien à une agriculture paysanne et familiale et non à l’agro-business capitaliste
    • Soutien aux circuits courts de distribution

     Réduire fortement la pollution industrielle

    • Arrêt de la construction d’incinérateurs des déchets
    • Dépollution des sols et sous-sols
    • Généralisation du tri, du recyclage, de la réparation de produits durables
    • Informations transparentes par des associations indépendantes sur la pollution des ressources naturelles critiques
    • Supprimer l’invasion publicitaire marchande de nos espaces publics

    Préserver nos ressources naturelles critiques comme biens communs

    • Gestion publique et démocratique de l’eau douce
    • Interdiction de la brevetabilité du vivant
    • Arrêter l’extraction de combustibles fossiles, interdiction de l’exploitation du gaz de schiste pour préserver sols et sous-sols
    • Développement des parcs naturels, réserves de biodiversité et des trames vertes et bleues, espaces publics faisant le lien entre espaces naturels, espaces ruraux et espaces urbains

     Organiser un urbanisme écologique et convivial, à taille humaine

    • Arrêt de la construction de tours énergivores et inhumaines
    • Réorganisation des logements sociaux des grands ensembles pour améliorer leur confort
    • Développement des transports actifs comme la marche et le vélo en ville
    • Mises en place de quartiers accessibles à pied pour toutes et tous
    • Maillage des villes par des transports collectifs de voyageurs peu polluants et peu énergivores : bus électriques, tramways, métros, trains…
    • Réorganisation de la logistique en favorisant le rail et la voie d’eau et les véhicules électriques en centre ville 

     La perspective éco-socialiste démocratique

     Ces mesures s’inscrivent dans une perspective d’ensemble, à l’échelle nationale et internationale : celle d’un écosocialisme démocratique.

     L’écosocialisme conserve les objectifs émancipateurs pour les travailleurs et tous les dominés du socialisme première version, qui s’est formé au XIXe siècle contre l’industrialisation capitaliste et impérialiste des grandes puissances européennes puis étatsunienne. Mais il rejette les structures productivistes du capitalisme d’Etat bureaucratique ou « socialisme d’Etat » de l’ex-URSS et de ses satellites de l’Est de l’Europe ou de la Chine maoïste.

     Il propose de mettre en place une économie écologique libératrice : écologique, car tenant compte des limites écologiques de notre planète, pour préserver notre patrimoine naturel commun, tout en satisfaisant les besoins fondamentaux de toutes et de tous ; libératrice, car permettant dans le cadre d’une démocratie généralisée, de développer nos capacités libres et égales d’agir, individuelles comme collectives, en particulier dans le domaine culturel, en utilisant à plein les potentialités communes des innovations liées à Internet.

     Il permet de penser le développement local, régional, national, européen, international dans un cadre juste et démocratique, libre et égalitaire et d’étendre progressivement cette conception des sociétés humaines, en l’adaptant aux contextes géopolitiques de chaque pays. Notre conception écosocialiste démocratique participe donc du mouvement altermondialiste : le monde n’est pas une marchandise ! Un autre monde, écologique, solidaire, démocratique est nécessaire et possible ! 

     Jacques Stambouli, socio-économiste,

    « Ensemble Insoumis » (Marseille)

     

    Eléments de bibliographie sommaire

     Attac (2013), Petit manuel de la transition, Les Liens qui libèrent, Paris

    Clerc Denis et alii (2008), Pour un nouvel urbanisme, La ville au cœur du développement durable, ADELS, Paris

    Farbiaz, Patrick (2016), Nuit Debout, Les Textes, Les petits matins, Paris.

     Keucheyan, Razmig (2014),  La nature est un champ de bataille, Zones, la Découverte, Paris

    Löwy Michael (2011), Ecosocialisme, Mille et Une nuits, Paris,

    Mélenchon, Jean-Luc (2016), L’ère du peuple, Nouvelle Edition Revue et augmentée, Pluriel, Paris

    Olivier Petit et alii (2016), Une économie écologique est-elle possible ? L’Economie politique n°69. Editions Alternatives Economiques, Quétigny.

    Stambouli, Jacques (2016), Pour une économie écologique libératrice, à paraître.

     

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