-
La nouvelle égérie du patronat
On nous inflige, chaque fois qu’il faut taper sur les fonctionnaires, dénoncer les impôts ou critiquer les dépenses publiques, Agnès Verdier-Molinié de la think tank Ifrap. Elle était encore ce soir dans l’émission C dans l’air consacrée à « la révolte des 13000 maires » et ayant pour objet les finances locales. Les propagandistes de l’économie libérale et du patronat ont trouvé une nouvelle égérie en la personne de Mme Karine Charbonnier-Beck, chef d’entreprise mise face à François Hollande dans "En direct avec les Français" sur TF1 : la droite des affaires face à la gauche canada dry, à la mollesse consensuelle. "Elle a crevé l'écran face au président. Elle avait une position argumentée et n'était pas impressionnée" a commenté l’ineffable Marc-Olivier Fogiel, qui anime l’émission « On refait le monde » sur RTL. Ce dernier va accueillir cette nouvelle chroniqueuse patronale aux côtés de l’ex-patronne du Medef Laurence Parisot, l’éditorialiste Alain Duhamel et le bâtonnier de Paris Pierre-Olivier Sur. Autant dire qu’ils refont le monde à droite.
Déjà le lendemain de la prestation molle de François Hollande, Yves Calvi, animateur de la matinale de RTL, avait invité cette patronne du Nord à l'antenne. Que dit-elle ? Elle répète tout ce que demande Pierre Gattaz, actuel président du Medef. Elle pratique le même chantage à l’emploi. Elle donne en exemple la Grande Bretagne en matière d’allègement des taxes et impôts. Elle ne l’a pas formulé mais son libéralisme doit aller jusqu’au contrat de travail esclavagiste « zéro heure » adopté par les Anglais. Elle est pour le « dialogue social » à condition que les syndicats en soient exclus. Pour elle, les syndicats « qui datent de la deuxième guerre mondiale » sont des entraves surannées à la modernisation du monde du travail. En délocalisant son entreprise en Angleterre ou en Allemagne, elle estime qu’elle économiserait trois millions d'euros de charges et de taxes par an et ajoute sans rire : "Les Français qui déménageraient avec nous auraient aussi un gain significatif sur leur salaire net". Quelle hypocrisie pour faire croire que les chefs d’entreprises et les salariés sont à la même enseigne dans le cas d’une délocalisation. Parlons des salaires de son entreprise ! Nous avons relevé le commentaire d’une salariée de cette patronne et voici ce qu’elle écrit :
Embauchée par Karine charbonnier? de Ghislaine s : « bsr je suis Ghislaine Spaes et je confirme que le salaire moyen (forfait mensuel) d'un salarié (ouvrier) chez Beck-crespel est bien de 1200 euros voire 1300 (pour ceux d'équipe) par mois. je parle du net bien sur autrement ce serait en dessous du smic bien évidemment. Certains, de par leur ancienneté peuvent, par leur prime d'ancienneté qui est conventionnelle, frôler les 1500 euros nets par mois après 30 ans d'ancienneté et encore..... Ils sont peu dans cette situation. Je tiens à la disposition de qui le veut le bulletin de salaire d'un P1, P2, ou P3. Certains salariés de moins de 10 ans dans l'entreprise n'atteignent même pas les 1200 euros ».
http://www.lavoixdunord.fr/region/armentieres-karine-charbonnier-beck-dans-le-figaro-pas-ia11b49726n2485093
Les salariés ne sont pas tous contents à la boulonnerie Beck-Crespel, rue des Fusillés à Armentières. Il faut dire que la politique salariale est boulonnée au Smic. Les propos que Mme Charbonnier –Beck a tenus envers les syndicalistes n’ont pas plu à la CGT dans l’entreprise familiale qu’elle dirige avec son mari : l’ETI Beck Industries dont elle est directrice générale (cliquer ICI pour l’article dans la voix du Nord)
Le siège historique est celui de la société Beck-Crespel, à Armentières avec un réseau de filiales sous la holding Beck Industries : Beck Prosper en Grande-Bretagne, BC Deutschland en Allemagne, BC Basco en Belgique... Le groupe exporte des pièces depuis leur pays d’origine. Une coentreprise a été créée en Chine. Sous la houlette de Karine Charbonnier-Beck et Hugues Charbonnier, le groupe emploie 630 salariés, dont 300 sur le seul site d’Armentières et réalise 60% de son chiffre d’affaires à l’export.
J’ignore quel ton de parole cette nouvelle chroniqueuse de la droite libérale adoptera dans l’émission du persifleur Marc-Olivier Fogiel mais, devant Hollande, elle a parlé avec une voix de pleurnicheuse, comme si elle détenait une vérité impossible à faire admettre à un Hollande jugé incapable de la comprendre. Elle était là pour se faire entendre sans écouter. Elle était là pour prendre Hollande à son propre piège : sa politique libérale jugée insuffisante. Lui était là pour se montrer aimable avec toutes et tous. Chacun est resté dans son rôle. Elle n’a pas eu de contradicteur. Elle a enfoncé son doigt dans un ventre mou.
En quoi la nouvelle égérie de la droite ultralibérale peut-elle plaire en dehors de son ultralibéralisme pleurnichard qui a ravi la presse de droite ? Karine Charbonnier-Beck est une chef d’entreprise de 46 ans, une belle femme blonde qui doit en charmer quelques uns. Elle a même conquis le maire PS d’Armentières qui ne tarit pas d’éloge sur elle. Elle sait être pleurnicharde mais elle a un regard de tueuse. Elle est diplômée d’HEC comme son mari. Sa prestation ultralibérale lui a valu une biographie dans le journal « Le Figaro », la consécration de la droite. Elle est conseillère à la Chambre commerciale et Industrielle du Grand Lille.
C’est une patronne du Nord dans la lignée de ceux qui ont exploité les ouvriers sidérurgistes depuis le début du 19ème siècle, les ouvriers textiles depuis le début du 17ème siècle, les mineurs... Diplômée d'HEC, Karine Beck-Charbonnier a repris en 2005 l'entreprise familiale fondée par son arrière-grand-père à la sortie de la première guerre mondiale.
Il serait intéressant de savoir comment cette héritière industrielle a été sélectionnée pour participer à ce direct qui n’a pas laissé une grande impression. La publicité qui lui a été faite par la suite apparaît démesurée si on revoit sa prestation. Elle se retrouve chroniqueuse sur RTL dans une émission où sévissent déjà Florence Parisot et le bâtonnier qui s’est illustré lors de la mise en examen de Nicolas Sarkozy en juillet 2014 (voir article dans Libération ICI). Chez Marc-Olivier Fogiel, c’est le rendez-vous des propagandistes de la droite néolibérale. On refait le monde ? Comment traduire le verbe « refaire » ? Tout le monde ne se laisse pas « refaire », entendez par là « tromper ». Il suffit de revoir le casting de ceux qui refont le monde. Dans cette émission, ont défilé des gens comme Pierre Berger, Elisabeth Lévy, Yves Thréard, ou encore Jean-Claude Dassier… Marc-Olivier Fogiel a été surnommé « le pitbull du Paf ». C’est un bon chien de garde qui, comme Ruquier ou Hardisson, choisit sa meute… Des meutes, il y en a sur chaque chaîne et toutes tiennent le même discours.
Si l’on fait le compte de ces journalistes, animateurs et intervenants dans le paysage audiovisuel français, on prend la mesure de la propagande néolibérale et de la marginalisation dont font l’objet ceux qui proposent une alternative de gauche à cette alternance libérale qui occupe le pouvoir depuis 1983 et qui nous a conduit à la situation économique et sociale dans laquelle nous sommes.
U barbutu
Tags : Hollande, Charbonnier, Beck, direct, Fogiel, Calvi, Gattaz, Medef, patronat, propagande, néolibérale
-
Commentaires