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Le centre de Bayrou est son nombril...
Hier, jeudi 8 mars, François Bayrou était l’invité de David Pujadas à l’émission « Des paroles et des actes ». La mission donnée à l’équipe était claire : « faire prendre position » au leader centriste et de préférence à droite. L’intéressé a coupé court en se disant persuader de gagner les élections. Il distribuait ses flèches aussi bien à Sarkozy qu’à Hollande malgré une ultime tentative de Robert Namias qui revenait sur la question de façon outrageusement orientée par le passage de deux extraits : l’un avec Hollande faisant savoir que François Bayrou se serait pas invité à participer à son gouvernement en cas de victoire et l’autre montrant Sarkozy fort aimable envers un François Bayrou fustigeant les 75% d’imposition des revenus les plus élevés, le citant même lorsqu’il avait dit qu’il s’agissait d’un contre-message pour les jeunes. Le centriste n’est pas tombé dans le piège et a fait comprendre qu’il ne partageait pas les mêmes valeurs avec Sarkozy. Il rappelait l’attitude du locataire de l’Elysée face à un couple d’agriculteurs en difficulté financière, à qui ce dernier faisait valoir que lui-même n’avait pas la chance d’être, comme eux, propriétaire de plusieurs hectares de terre, insinuant par là qu’ils étaient des privilégiés… « attristant », ajoute Bayrou. On sait que Nicolas Sarkozy se met toujours en scène et ramène tout à lui, souvent jusqu’à l’outrance. Bayrou l’a dit en revenant sur le pseudo mea culpa et la prestation egocentrique de Sarkozy lors de l’émission précédente.
Finalement, entre Bayrou et Sarkozy, ce n’est qu’une question de personne, de style. Toutefois, Bayrou roule pour lui-même et, pour cela, il a besoin de ratisser large. Dans son programme, tout le monde peut faire son marché, de la droite (dont il fait en réalité partie) jusqu’au parti socialiste. Il voudrait refaire le coup de Giscard d’Estaing en 1974 et, pour cela, n’hésite pas à citer Jacques Delors et Raymond Barre.
Quel contradicteur lui a-t-on choisi ? Manuel Vals dont le programme était très proche du sien lors des primaires socialistes et qu’il verrait volontiers dans le rôle d’Eric Besson mais cette fois à son profit. La confrontation ne faisait que mettre en évidence des points de convergences avec Manuel Vals mais aussi la même acrimonie de l’ultralibéral François Bayrou pour la Gauche que celle permamente de Sarkozy.
Tout cela ramène à considérer que, dans cette campagne, la hauteur du débat se trouve à gauche et surtout chez Jean-Luc Mélenchon qui ne se fourvoie pas et parle clairement. Où trouve-t-on les valeurs républicaines parmi lesquelles celle essentielle : la solidarité ? Qui défend le mieux la devise « Liberté, Egalité, Fraternité ? Dans les programmes (quand il y en a un), les seules mesures tendant vers ces valeurs sont celles proposées par le Front de gauche. Dès qu’il s’agit de justice fiscale, Bayrou se montre plus timoré et beaucoup moins juste qu’il ne veut le faire croire. Il suffit de voir sa réaction négative après l’annonce du candidat socialiste sur l’imposition des très hauts revenus. Bayrou met en avant comme valeur suprême la vérité. Sa vérité est là où il retrouve la fibre de droite qu’il partage avec Sarkozy. Sa vérité est la même que Sarkozy : l’austérité pour le peuple. Il a dit que Sarkozy était le candidat de la division (c’est vrai et on lui concède volontiers) et François Hollande celui de l’illusion (Nous verrons si ce dernier est élu)… Pour nous, Bayrou est le candidat de la désillusion pour les naïfs qui voudraient le croire sincère et animé par son dévouement républicain. Il n'y a nul besoin d'un décodeur pour démasquer le leader du Modem. En centriste, il pratique la politique à géométrie variable. Son programme est un véritable patchwork électoral dans lequel le bleu UMP domine. Comme Sarkozy, c’est un autocrate qui se satisfait de la ploutocratie française. Le centre de Bayrou, c’est son nombril. Le faux scoop (il en faut un par émission) aura été son appel du pied à droite destiné à Dominique de Villepin.
L’émission « Des paroles et des actes » peut être pleine d’enseignement si on a compris qu’elle roule pour Sarkozy mais fatalement dérape. L’édition consacrée à ce dernier a misé sur la personnalisation de l’élection présidentielle. Les Français choisissent un homme. Il lui faut paraître. « Paraître » c’est tout ce qui reste au locataire de l’Elysée en fin de bail. Il ne peut pas, du jour au lendemain, devenir le représentant du peuple mais il peut essayer de le faire croire. Il ne peut pas du jour au lendemain faire une politique sociale, mais il peut essayer de le faire croire. Il multiplie les annonces mais l’essentiel s’adresse à ceux qui l’ont amené au pouvoir. En direction du peuple, tous ses discours sont faits pour diviser, récupérer les voix du Front national et susciter la peur pour se dire protecteur. Hier, Bayrou n’a pas voulu aller dans cette voie mais d’autres parmi les centristes s’y engouffreront si Sarkozy est élu, comme ils l’ont fait auparavant. Il y a des Eric Besson au Modem.
Dans cette émission diffusée à une heure de grande écoute, Marine Le Pen était apparue fidèle à son père et nulle en économie. Jusqu’à présent, le seul qui y aura présenté un programme et des valeurs républicaines, c’est Jean-Luc Mélenchon. Nous verrons quel accueil aura François Hollande, adversaire de Sarkozy le mieux placé dans les sondages et quel contradicteur sera choisi, car ce choix en dit souvent long sur les intentions des stratèges d’Antenne 2... Sa venue permettra sans doute à David Pujadas de continuer à focaliser la Présidentielle sur deux seuls candidats en considérant les autres comme des figurants. Dans le jeu de la campagne présidentielle, on nous impose les sondages et l’audimat mais on ne nous propose pas, pour le moment, de vrais débats républicains. La plupart des émissions font la part belle aux journalistes dont la partialité n’est plus à démontrer.
Signé: Pidone
Tags : Bayrou, Modem, Sarkozy, Hollande, Mélenchon, Pujadas, Namias, Paroles, actes
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