• Le long fleuve tranquille de la politique

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    L’affaire Bygmalion a remis dans l’actualité le financement des partis politiques et les rapports des politiques avec l’argent.  Vingt millions d’euros, ce n’est pas rien lorsqu’il s’agit de fausse facturation ou de surfacturation lorsque l’on connaît toutes les combines utilisées par les politiciens pour drainer de l’argent. La politique devrait avoir pour but d’améliorer le fonctionnement démocratique de la France et la vie quotidienne des français. Politicien est devenu un métier que l’on exerce de 25 à 75 ans et souvent de père en fils ou de mentor à émule. De ce fait se sont installées des mœurs financières qui se perpétuent et des contrôles volontairement inefficaces sur les financements politiques et l’enrichissement personnel. Si l’on prend les comptes de campagne, la commission nationale ne fait qu’un contrôle comptable et n’a ni les moyens ni l’obligation de vérifier la réalité des opérations, donc de chaque dépense. On l’a vu avec l’affaire Bygmalion. Les comptes de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ont été invalidés par l’ajout de dépenses imputées à sa fonction présidentielle alors qu’elles auraient dû entrer dans ses comptes de campagne. Là, c’est l’Etat qui a payé. Avec Bigmalion, il est question de fausses factures imputées à l’UMP alors qu’elles devaient entrer dans les dits comptes de campagne. Là, la commission n’a rien vu et ne pouvait rien voir sans vérifier les comptes de l’UMP, ce qui n’entrait pas dans sa mission. Comme le suggère dans un entretien le Juge Halphen, on peut rendre les contrôles efficaces : «  En mettant en place une structure de contrôle pour suivre un ou des candidats à l’occasion de chaque campagne, ce qui permettrait de vérifier l’intégralité du circuit d’une dépense et sa réalité. On saurait qui paye les meetings, le matériel utilisé, les transports… »

    Pour prévenir la corruption, le financement des campagnes électorales par des personnes morales a été interdit et celui des personnes physiques limité. Les campagnes sont principalement financées par l’argent public avec un plafond autorisé de dépenses. Toutefois, les partis ont des kyrielles de micro partis, de clubs de réflexion (think tanks) et  instituts de formation qui sont autant de moyens de récupérer des fonds. Une affaire d’institut de formation des collectivités locales s’est greffée sur celle de Bygmalion avec des soupçons de surfacturation des prestations. Ces instituts pourraient agir comme des pompes à fric dans les finances des collectivités locales et couvrir par de la fausse facturation et des montages financiers des dépenses ou de l’enrichissement personnel.

    Tous ces procédés alimentent le « tous pourris » et ce n’est pas le pétard mouillé de la transparence des patrimoines de nos élus qui a désamorcé la mauvaise image de la classe politique. Là encore, l’élu fait une déclaration sur l’honneur qui ne peut être divulguée et qui n’est pas systématiquement contrôlée. On se souvient que, même par mi les socialistes ( le président de l’Assemblée nationale en tête de la fronde) la transparence n’a pas été acceptée par les élus.  A ce propos le Juge Halphen commente : « On en revient toujours au problème du contrôle. Si on demande aux gens de faire une déclaration de patrimoine, mais que personne ne vérifie sa réalité, cela ne sert à rien. Aucune règle n’existe vraiment s’il n’y a pas de contrôle de son application. Et aucune règle n’existe réellement sans sanction ».

    Nous verrons les suites judiciaires données à l’affaire Bygmalion. Jean-François Copé se dit plus blanc que blanc. Nicolas Sarkozy s’offusque que son nom soit prononcé dans cette affaire. Alain Juppé sort, droit dans se bottes, du bois bordelais pour revendiquer un avenir national qui jadis lui a échappé à cause d’une affaire politico-financière qui lui a valu une condamnation et un an d’inéligibilité. François Fillon est en embuscade.

    Ne serait-il pas temps de changer les mœurs politiques et de faire que les mandats électifs ne soient pas renouvelables à vie ? Ne serait-il pas temps de limiter à 70 ans l’âge des élus ? Ne serait-il pas temps d’établir un contrôle efficace des financements politiques et des patrimoines des élus ?

    Ne serait-il pas temps de moraliser la vie politique pour qu’un mandat électif soit une période au service de bien public et non pas une rente de situation, un héritage ou la récompense d’un mentor à un émule?

    Quelles conséquences aura l’affaire Bigmalion ? Alors que la presse annonce 14 millions, voire 20, de fausses factures réglées par l’UMP dans le cadre de la campagne des dernières élections présidentielles, les Sarkozystes appellent leur leader et gourou à faire rapidement son retour, et même à prendre la présidence de l’UMP avant d’être le seul candidat aux prochaines élections présidentielles de 2017, sans passer par des primaires. A la tête du fan club, Hortefeux et Guéant. Ce dernier va jusqu’à accuser François Hollande d’avoir constitué un cabinet noir contre Sarkozy. Sarkozy et ses proches n’ont aucun respect pour le monde judiciaire. On sait qu’ils ont pour projet la suppression des juges d’instruction pour que la Justice soit sous le contrôle des politiques.

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    Apparemment, Jean-François Copé  sera le fusible politique pendant que le directeur de campagne et son adjoint seront les fusibles judiciaires. L’annonce du retour de Sarkozy ne doit pas faire que des heureux au sein de l’UMP mais, si cela se produit, on peut penser que les mœurs politiques ne changeront pas. A chaque mise en cause, Nicolas Sarkozy se sentirait plus fort et plus déterminé. Puiserait-il sa force dans la certitude de son immunité ou de l’impossibilité de le conduire devant une juridiction pénale alors qu’il était le bénéficiaire de la fraude électorale si elle est confirmée par l’enquête en cours ? Les Français lui donneraient-ils demain cinq années supplémentaires d’immunité présidentielle ? Suffit-il de rouler les mécaniques et de jouer le matamore pour s’imposer en chef d’une droite divisée ? Suffit-il d’adapter un discours en fonction des sondages pour convaincre ? La présidence de la république est-elle la récompense pour celui qui crée la machine électorale la plus puissante (à l’image de ce qu’est l’UMP), dépense des millions d’euros sans compter  et compte sur ses amis, les patrons de presse? Nicolas Sarkozy veut faire son come-back et sortir de son has been. Sera-t-il le candidat vintage de l’UMP comme Alain Juppé ? Ils ont des allures de fashion victims avec leurs costumes rétro de politiciens du siècle passé. Ils sont accros aux ors de la cinquième république pourtant passés de mode.

    On s’aperçoit aujourd’hui que des hommes politiques pourtant condamnés jadis reviennent comme si de rien n’était. Après toutes les affaires de financements illicites depuis des décennies, l’affaire Bygmalion devrait être l’affaire de trop. Nul ne devrait être au dessus de la loi. Traiter les manipulations politico-financières comme excusables est un déni de justice et l’impunité est un encouragement à la récidive. C’est aussi contribuer au « tous pourris » et à la désaffection des urnes. Dégoûter les électeurs et grossir le nombre des abstentionnistes est peut-être une stratégie pour occuper illégitimement des hautes fonctions dans une démocratie désertée. Une stratégie dangereuse ! L’avenir de la France risque de ne dépendre que d’un tiers des électeurs inscrits. Nous l’avons constaté pour les élections européennes où il suffit de 4 millions d’électeurs sur 44 millions d’inscrits pour être proclamé premier parti de France. Dans ces 4 millions d’électeurs du FN, nombreux sont ceux acquis au « tous pourris » et on en trouve un grand nombre dans les 57% d’abstentionnistes, les 3 % de bulletins blancs et les 1,5% de bulletins nuls.

    La majorité des Français et en premier lieu les jeunes se détournent de la politique qui est devenue un monde clos vivant en marge de la morale sociale. Les partis qui se partagent le pouvoir ont failli et refusent toute autocritique. Ils ne font rien pour moraliser leurs mœurs. Ils perpétuent les dérives et font le jeu de l’extrême-droite pour avoir recours au vote dit « républicain » qui leur permet de ne rien changer et de faire de la vie politique un long fleuve tranquille… dont les eaux apparaissent de plus en plus glauques.

    La philosophe Cynthia Fleury dit dans un entretien donné au JDD pour revenir sur la pseudo-victoire du FN aux élections européennes : « Cette victoire découle du ­désaveu non pas du politique mais des outils politiciens. Les électeurs sanctionnent le fait que les partis de gouvernement ne sont que des machines électoralistes alors qu'ils devraient être aussi des instruments au service de la vie délibérative, de l'élaboration de contre-propositions, de la formation et du renouvellement des élites dirigeantes ». Ce sera notre mot de la fin en rappelant qu’il existe encore des forces progressistes de gauche pour changer le cours du fleuve et rendre ses eaux plus transparentes.

    Fucone

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