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Le mauvais esprit de François Hollande
« Si une concertation a été engagée à ma demande, c'est bien pour apporter tous les éclaircissements, toutes les précisions, lever les inquiétudes, améliorer encore le dispositif pour permettre de convaincre tout en gardant l'esprit », a dit François Hollande hier dans un discours lors de sa visite de la société Forsee-Power en Seine et Marne, en compagnie de Myriam El Khomri.
Après les premières manifestations, malgré la pétition et les prochaines manifestations, il a affirmé que le projet de loi ne serait pas retiré. Il l’a notifié par une envolée existentialiste : «La vie, ce n'est pas de se retirer, ni de retirer, la vie c'est d'avancer, avancer toujours, mais avancer en faisant en sorte que nous puissions donner des garanties et aux uns et aux autres ». Il veut que le projet de loi soit amélioré « tout en gardant l’esprit ». Tout est dit dans cette formule qui n’annonce donc aucun recul significatif et fait échos aux déclarations de la ministre du travail lorsqu’elle a avancé la nouvelle idée de surtaxer les CDD en ajoutant : « Il y a une cohérence, une philosophie qui est portée dans ce projet de loi ».
Quel esprit ? « L'esprit, c'est qu'il y ait plus d'embauches dans notre pays, plus d'emploi, et plus de jeunes, notamment, qui rentrent en contrat à durée indéterminée » nous dit-il. Quelle cohérence ? Il s’agit de faciliter les licenciements pour augmenter les embauches et d’allonger la durée du travail pour créer des postes, de diviser les syndicats et de vouloir les marginaliser par des référendums d’entreprise à l’initiative du seul patronat.
L’esprit es-tu là ! Oui, répond le Medef. Il s’agit de fragiliser les CDI, c’est-à-dire 90% des contrats de travail en cours. Si les CDD et l’intérim accusent une augmentation, le pourcentage des CDI n’a guère varié depuis 20 ans, nous dit un article dans le Monde des Idées et il est précisé ceci : Penser qu’affaiblir les protections dont jouissent ces 90 % permettrait de résoudre le problème d’un peu plus de 10 % des salariés n’apparaît guère raisonnable. Cela l’est d’autant moins car, non seulement le nombre de CDD n’a pas explosé, mais l’emploi en CDD touche en général des secteurs bien précis, en particulier ceux concernés par l’emploi du « CDD d’usage», contrat assouplissant considérablement au bénéfice de l’employeur les conditions d’exercice du CDD. Cette constatation met à mal ce que la presse libérale, le gouvernement et le Chef de l’Etat veulent faire croire. Il n’y a pas plus de CDD que de CDI en France, même si le recours au CDD et à l’Intérim augmente, souvent d’ailleurs au mépris de la réglementation. Ce ne sont pas les salariés les plus fragiles qui sont pris en compte mais ceux qui ont un emploi stable qui sont visés.
La surtaxe des CDD devient donc une aberration inutile, injustifiée et contre-productive alors que ce contrat permettait déjà au patronat de disposer d’une période d'essai avant de proposer un CDI. On sait que des entreprises ont renouvelé des CDD ad vitam aeternam sans tenir compte de la législation, y compris, pour mauvais exemple, Les Postes et l’Etat dans de grandes administrations comme l’Education nationale. Le CDD sert aussi à un turnover notamment dans les grandes surfaces. Notre ministre du travail a fait couler beaucoup d’encre en ne sachant pas combien de fois un CDD pouvait être renouvelé, alors qu’elle concoctait, nous dit-on, une reforme du code du travail Elle aurait été inspirée de vouloir ramener la durée maximale du CDD à une durée maximale 18 mois et la stricte application de ses conditions d'utilisation, plutôt que de surtaxer.
Un CDI fragilisé par des licenciements abusifs peu coûteux rendra inutile le recours au CDD mais installera durablement les travailleurs dans la précarité. Si un employeur sait à l’avance ce que va lui coûter un licenciement abusif, rien ne l’empêchera d’y avoir recours systématiquement. C’est l’incertitude du coût d’un licenciement abusif qui freinait les dits licenciements, pas une tarification forfaitaire. En outre les nouvelle conditions des licenciements économiques faciliteraient de tels licenciements.
Sur la taxation des CDD, le chef de l’Etat a déclaré : « Ce n'est pas dans le texte aujourd'hui. Ça peut être dans la discussion que les partenaires sociaux peuvent avoir dans le cadre de la négociation sur l'Unedic. Aujourd'hui, ce qu'il faut, c'est favoriser l'embauche sous la forme de CDI ».
La seule cohérence est la détermination dans la fuite en avant d’un libéralisme qui entretient le chômage de masse et une économie de la rente. La propagande faite à ce projet de loi ne fait que répéter de faux arguments, consulter un article ICI.
Alors Hollande fait preuve du cynisme qu’on lui connaît en ajoutant : « le CDI doit être la voie normale pour entrer dans l’entreprise». La primauté du CDI a été déjà réaffirmée par la Loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail : « Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail». Le problème n’est pas de surtaxer les CDD mais de faire appliquer la législation existante de façon plus contraignante.
Un contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que pour l'un des cas de recours limitativement énuméré par la loi : Art. L1242-2 du Code du travail et loi de 2008
- remplacement d'un salarié,
- accroissement temporaire d'activité,
- emploi à caractère saisonnier ou pour lequel, dans certains secteurs, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ce type d'emploi.
- réalisation d’un objet défini (mission particulière)
Dans tous les cas, les contrats ne peuvent avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise.
Le contrat de travail peut également être conclu pour une durée déterminée dans le « cadre de la politique de l'emploi ».(contrat d’avenir, CDD sénior…)
La durée maximale pour un CDD est limitée à 18 mois et peut aller jusqu'à 36 mois dans le cas général, en tenant compte d'un éventuel renouvellement29 (9 mois lorsque c'est en attente d'une embauche définitive, l'exécution immédiate de travaux urgents ; 24 mois lorsque ce sont des contrats à l'étranger, le remplacement d'un poste devant disparaître, la commande exceptionnelle à l'exportation, un contrat d'apprentissage).
Mais, dans le cadre de contrats dont la date de fin n'est pas prédéterminée, la durée peut être plus longue. Il en est ainsi lorsque la personne embauchée en CDD remplace un salarié en congé parental. Dans ce cas (lorsqu'il ne comporte pas de terme précis), le contrat comporte une durée minimale.
La période d'essai, qui peut ne pas exister, est, en l'absence d'usage ou de disposition conventionnelle plus favorable, d'un jour par semaine dans la limite de deux semaines lorsque le contrat est inférieur ou égal à six mois et un mois lorsque le contrat est supérieur à six mois30.
Renouvellement : Deux fois et sous certaines conditions (contrats à terme précis, durée totale ne doit pas dépasser la durée légale, les conditions du renouvellement peuvent avoir été précisées dans le premier contrat et sont, en toutes hypothèses, nécessairement matérialisées par un avenant)31.
Lorsqu'un CDD prend fin, il n'est pas possible d'avoir recours à un nouveau CDD sur le même poste de travail avant l'expiration d'un certain délai, appelé délai de carence. Cependant, dans certains cas, le délai de carence ne s'applique pas.
Le chef de l’Etat a profité d’une visite d’entreprise pour venir au secours de Valls et de sa ministre du travail, en participant à l’enfumage d’une régression sociale qui ne résoudra rien.
Seule une forte mobilisation pourra venir à bout de cette détermination à poursuivre une politique antisociale inspirée par le Medef et la Droite. Si Hollande, Valls et consorts ne veulent rien lâcher sur ce projet de loi scélérate (si ce n’est des peccadilles pour amuser la galerie), il ne faudra rien lâcher pour obtenir le retrait de tout le projet qui porte atteinte à une législation à la fois protectrice pour les salariés et qui n’entrave en rien les embauches. Ce qui faciliterait les embauches, c’est de les rendre obligatoires pour les entreprises qui ont bénéficié et bénéficient des crédits d’impôts qui ne servent qu’à distribuer des dividendes et des retraites chapeaux.
Fucone
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