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Le PS bat-il de l'aile gauche?
François Hollande et Manuel Valls sont en train de créer les conditions de la transformation du parti socialiste en parti libéral. Et pour cela, il faut des purges. Entre ceux qui sont exclus pour des délits fiscaux (aux dernières nouvelles, une soixantaine d’élus de tous bords seraient en délicatesse avec le fisc) et ceux menacés d’exclusion pour délits d’opinion, ce parti de mutants politiques va se prendre d’autres déculottées lors des prochaines élections. Ils auront toutefois réussi à créer un courant libéral qui a pris le pouvoir rue de Solférino, à l’Elysée et à Matignon. Ils ont encore le pouvoir à l’assemblée nationale même si une petite quarantaine de « frondeurs » n’ont pas voté le nouveau budget. Tous ces pouvoirs ne leur pas donné l’autorité nécessaire à la conduite des affaires nationales. Alors, ils ont choisi de faire de l’autoritarisme au sein du parti socialiste. Aucune tête ne doit sortir des rangs, sous peine de tomber. Info ou intox ?
Gérard Filoche est traduit devant le tribunal libéral du Parti socialiste pour ne s’être pas joint aux hommages excessifs rendus au PDG de Total, mort dans un accident d’avion en Russie. En utilisant le terme « suceur de sang », il aurait commis la pire des injures à un mort et d’aucuns jouent les Danton et Robespierre d’opérette pour demander son exclusion et défendre la mémoire de celui qui dirigeait l’une de ces firmes multinationales qui ont bâti des empires d’essence en exploitant la planète au détriment de l’humain. A-t-il sa place au Panthéon ?
Le régime de la Terreur s’installe au parti socialiste. Les députés socialistes, à fortiori lorsqu’ils sont des ministres limogés, n’ont pas le droit de retrouver leur liberté d’opinion. Ils doivent voter avec la majorité comme un seul homme. Même l’abstention leur est reprochée. Trois anciens ministres se sont abstenus sur le vote du budget. Pour cela, Delphine Batho, Benoit Hamon et Aurélie Filipetti sont mis au pilori par le porte-parole du gouvernement, Olivier Le Foll. Benoit Hamon aurait même franchi la ligne rouge en disant que la politique économique menée "menace la République" et mène vers un "immense désastre démocratique" en 2017.
La question qui se pose est de savoir si cette opposition, appelée « fronde », est une mascarade ou, au contraire, si les frondeurs iront jusqu’au bout de leur résistance ? Pour le moment, ils choisissent tous de rester au Parti socialiste, à moins qu’ils en soient exclus autoritairement. Ils représentent donc ce que l’on a appelé l’aile gauche du PS, bien utile pour éviter le départ massif des déçus d’un parti qui n’a de socialiste plus que le nom. L’aile gauche est tout ce qui lui reste de gauche et perdre cette aile empêcherait tout envol dans les sondages qui font du rase-motte.
D’aucuns diront que cette aile gauche a reçu l’appui de Martine Aubry. Toutefois, sa dernière sortie ressemble plus à une opération de communication qu’à une opposition réelle à la politique menée par Hollande et Valls. François Hollande a répliqué par l’affirmation encore réitérée que le gouvernement ne changerait pas de cap mais accélérera les réformes, en sachant que des projets antisociaux ciblent les chômeurs, les assurés sociaux, les comités d’entreprises… etc. Cette position autiste, le maintien de Manuel Valls à la tête du gouvernement et l’autoritarisme subie par les « frondeurs » devraient logiquement entraîner une réelle fracture au sein du PS, voire une scission, faute de quoi il est logique de penser que les frondeurs ne sont que les voitures-balais des militants socialistes de gauche, le dernier rempart contre les départs de militants vers le Front de gauche.
Lorsque l’on revient aux dernières élections présidentielles, on mesure l’évolution des élites du Parti socialiste notamment entre Strauskaniens et Fabusiens qui ont fait une sorte d’OPA sur la rue de Solférino. François Hollande a profité des déboires de l’ancien directeur du FMI mais il s’est vite révélé comme étant un strauss-kahnien avec les Strauss-kahniens et un fabusien avec les fabusiens. Cela lui a sans doute donné la victoire sur Martine Aubry. Malgré ses envolées lyriques et ses anaphores de gauche, il n’a fait que poursuivre la même politique antisociale de Nicolas Sarkozy, étant plus à l’écoute des patrons que des travailleurs. Après avoir désigné comme premier ministre, un apparatchik de parti socialiste en la personne du fidèle et obéissant Jean-Marc Ayrault, le chef de l’état a fait sa « sortie de placard libéral » et l’a remplacé par Manuel Valls, populaire à droite et pour cause.
Alors que la croissance est en berne, le chômage endémique et le nouveau budget à l’épreuve de la commission européenne, François Hollande vient de décorer Manuel Valls de l’ordre du mérite. Dans son discours, il a dit à l’impétrant premier ministre : "Vous aimez citer de grands républicains, vous vous inscrivez dans cette tradition … Une des figures qui vous sert de référence, c'est celle de Clemenceau. C'est un personnage controversé, y compris au sein de la gauche française. C'est sans doute pour cela que vous l'utilisez, car vous aimez la controverse, à condition qu'elle soit un facteur de débat, de contradiction et en même temps de synthèse. Car il faut aussi qu'il y ait des hommes de synthèse dans la République. C'est très important... Je connais bien son parcours, parcours très long, ce qui vous laisse grand espoir. (Clemenceau) n'est pas devenu président de la République, mais on peut aussi réussir son existence sans être président de la République… ». Là, il s’est foutu un peu de sa gueule et de celle de Laurent Fabius.
Il a ensuite félicité le deuxième Premier ministre de son quinquennat pour avoir « fait en sorte que (le) programme (de 50 milliards d'euros d'économies) ne nuise pas à l'objectif de croissance et que le rythme de réduction des déficits publics n'entame pas le potentiel de notre économie ». Ainsi, ce n’est pas le résultat qui compte mais l’intention libérale. Manuel Valls ne sera peut-être pas Président de la république de gauche mais il aura aidé François Hollande à vouloir tuer la Gauche et à faire du parti socialiste, un petit parti du centre droit, comme le mal nommé Parti radical de gauche. Il aura assuré l’intérim d’une politique de droite, alors que François Hollande a été élu pour mener une politique de gauche.
L’aile gauche ou la cuisse droite ? Hollande (avec deux « l » au centre) a choisi, plutôt que l’aile gauche, ceux qui croient être sortis de la cuisse de Jupiter. Pour lui, au sein du Parti socialiste, l’aile gauche a le poids de la plume et, lorsqu’elle se déploie, elle se prend une volée de plombs libéraux. Aucun doute sur le fait qu’il commande les tirs. En 2015, il y aura les élections cantonales et en 2016 les élections régionales, à moins que le calendrier soit changé pour cause de réforme. Sous la présidence de François Hollande, avec l’aide active de Manuel Valls et des Solfériniens, le parti socialiste va y perdre encore des plumes électorales. Chacun le sait, une seule plume peut faire pencher la balance d’un côté et, en 2017, notre Président pourrait s’en mordre les doigts de la main droite… et la cuisse droite. Il ne pourra sans doute plus compter sur les 4 millions de plumes du Front de gauche, comptabilisées au premier tour des présidentielles de 2012.
Fucone
Tags : Filoche, Hamon, Filipetti, Batho, socialiste, exclusion, Hollande, Valls
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