-
Que fait la communauté internationale?
Qu’attend la communauté internationale ? Un génocide ?
De nombreuses voix s'élèvent contre l'agression israélienne à Gaza, dont celle de Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontière France. On aimerait que notre "moi président" dénonce lui aussi et sans détour cette agression intolérable qui se solde - il est bon de le rappeler - par près de 2000 morts, des milliers de blessés, une région ravagée par les bombes. Même les écoles de l'Onu ne sont pas épargnées. Au nom de qui? Au nom de quoi? Aurait-il un pays au-dessus des lois internationales?
Comment ne pas éprouver un sentiment de malaise et de colère devant le manque de courage politique et d’humanité pour dénoncer les crimes dans la Bande de Gaza après des jours et des jours, des morts et des morts. Dans certains journaux et de la part de certaines organisations politiques, pas une seule ligne de dénonciation radicale de ces crimes commis par l’armée israélienne sur les populations civiles de Gaza. Cette remarque vaut pour la Corse où d’aucuns brillent par leur silence. Par ailleurs d’autres déplorent les morts mais font une totale abstraction du contexte géopolitique qui suscite un sentiment d’injustice face à l’impunité dont jouit l’Etat d’Israël, ou du contexte intérieur - interdiction administrative des manifestations - qui a suscité des réactions de révolte. Les débordements et dérives dans Paris ou Sarcelles font l’objet d’enquêtes dont nous attendons les conclusions, au lieu de stigmatiser des associations pro-palestiniennes là où il y a eu provocation ou ingérence de casseurs qui profitent de toutes les manifestations pour se défouler.
La piètre et lâche posture de François Hollande, dès sa prise de position au début du conflit, est en rupture avec la politique étrangère plus équilibrée de tous ses prédécesseurs dans ce conflit, d’une part, et le parti pris sans nuances de Manuel Valls, d’autre part, n’ont fait que renforcer les sentiments de révolte populaire.
Hier, lors des commémorations de la guerre 14-18, François Hollande a mêlé l’avion civil abattu en Ukraine et les massacres de Gaza, pour dire que la neutralité n’était plus de mise. Il aura fallu près de 2000 morts palestiniens et des manifestations en France pour obtenir cette prise de position qui n’aura sans doute aucune portée face à l’attitude des Américains et de leurs alliés européens. Hollande n’a d’ailleurs demandé expressément aucune sanction contre Israël. Nous en sommes à des mots, là où il faut urgemment des actes, alors que les sanctions contre la Russie mettent en danger la paix en Europe, sans que l’on sache avec certitude de quel côté l’on nous ment.
A droite de l’échiquier politique, en dehors de Villepin en quête d’audience, nous n’avons entendu aucun leader politique s’élever franchement face aux injustices dont sont victimes les Palestiniens. Même BHL évite le sujet et préfère réserver son indignation à la Syrie. Un silence qui en dit long sur les engagements humanistes à géométrie variable de ce pseudo-philosophe bling bling.
L’islamophobie ambiante et croissante brouille les esprits. Alors que des intégristes haineux s’en prennent aux chrétiens dans une pseudo-république islamique et face au massacre d’un peuple fut-il à majorité musulmane, faut-il pour autant s’inscrire dans cette lâcheté collective et complice ou adopter un discours sans nuance et extrême?
Un Etat, Israël, défie de manière arrogante le droit international. Les pays arabes sont autant, sinon plus, à blâmer dans cette situation de souffrance et d’injustice dans laquelle est plongée la population palestinienne depuis trop longtemps car ils n’ont jamais fait front commun pour défendre les droits légitimes du peuple palestinien, maintes fois reconnu par les Nations Unies. Le nouveau pouvoir égyptien - la dictature Al Sissi - délaisse la population palestinienne et se réjouit de la tentative de destruction du Hamas ; les monarchies pétrolières ou gazières, avec la bienveillance occidentale, sont plus investies dans la lutte fratricide sunnite-chiite qui ne débouche que sur plus de radicalisation. Cela n’efface pourtant en rien la responsabilité de l’Etat d’Israël dans la commission de crimes internationaux. Cela ne justifie pas l’inaction de la communauté internationale dont la passivité a été déjà coupable dans le passé lors de la commission de génocides.
La nouvelle commission d’enquête internationale décidée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU établira-t-elle la nature des crimes, qui sont passibles de poursuites devant la Cour pénale internationale ? Les Etats Unis, qui sont le véritable point de blocage à une solution équilibrée et durable de ce conflit, envoient un médiateur sans réel pouvoir de convaincre l’Etat d’Israël, tout en le fournissant en armes et munitions. Quelle démonstration de cynisme politique ! Les Européens tergiversent, comme d’habitude, en ordre dispersé : ceux qui continuent à culpabiliser pour les crimes de la seconde guerre mondiale à l’encontre des Juifs s’abstiennent. Ils se mettent tous rapidement d’accord, en osmose avec les USA, sur les mesures prises contre la Russie à propos des combats en Ukraine, alors que la Russie n’est pas officiellement en guerre contre l’Ukraine. A contrario, ils traînent les pieds avec Israël soutenu par les Américains, malgré la position du représentant de l’ONU contre les agissements criminels de l’Etat hébreu.
L’absence de sanctions prises contre Israël, alors que cet Etat continue ses opérations militaires malgré toutes les répétitions des crimes, n’en est que plus révoltant et alimente le sentiment d’incompréhension face à la politique étrangère discriminatoire de cette Europe atlantiste.
Le rapport Goldstone sur les crimes commis pendant la guerre contre Gaza fin 2008-début 2009 avait été approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies le 5 novembre 2009. Ce rapport pourtant équilibré, qui estimait que des crimes de guerre avaient été commis à la fois par Israël et les Palestiniens lors dudit conflit, n’a pas été suivi d’effets. La résolution des Nations Unies avait indiqué : « Ce vote est une déclaration importante contre l’impunité. C’est un appel en faveur de la justice [...] Sans justice, il ne peut y avoir de progrès vers la paix. Un être humain devrait être traité comme un être humain sans tenir compte de sa religion, de sa race ou de sa nationalité. Toutes les parties concernées devraient maintenant consacrer leurs efforts pour mettre en œuvre cette résolution ».
L’histoire du conflit israélo-palestinien est déformé par des média français, qui sur ce thème comme sur d’autres, sont pour la plupart, incompétents ou volontairement partiaux. Pourtant, s’élèvent les voix courageuses des intellectuels, militants des droits de l’homme, juifs de France ou d’Israël, alors que les idées extrêmes, de quelque bord, mènent au chaos humanitaire et à l’impasse politique. Ceux qui les relaient de manière aveugle tombent aussi dans cet extrémisme.
Au dernier bilan, près de 2000 morts, près de 10.000 blessés, des milliers de maisons détruites du côté palestinien, alors que, du côté israélien, on dénombre 66 soldats et 3 victimes civiles. En 25 jours, le nombre journalier des morts palestiniens dépasse le total de ceux israéliens sur toute la période. Chez les Palestiniens, les victimes sont en très grande majorité des civils parmi lesquels des femmes et des enfants. Les chiffres sont accablants. Doit-on penser que les Israéliens considèrent le peuple palestinien comme un réservoir d’otages qui paie le prix du sang ? La vie d’un soldat israélien dans une action armée vaut-elle celles de 91 Palestiniens, femmes et enfants compris, comme cela s’est passé, vendredi dernier, après la mort du soldat Hadar Goldin.
La folie meurtrière d’Israël alimente la haine entre les deux peuples et l’impossibilité de créer les conditions à l’établissement d’une paix durable. Israël ne fait que renforcer la popularité du Hamas et recréer les conditions de nouveaux massacres. La dénonciation des violations graves des droits de l’homme, et notamment celle des crimes internationaux est un impératif moral et politique. Les droits de l’homme sont uns et indivisibles ; ses normes et principes s’appliquent à tous et en toutes circonstances. Les Israéliens ne peuvent transiger sur ces principes au nom de la Shoah. Au-delà des positions pro-palestiniennes ou anti-Hamas, pro ou anti-israéliennes, il est question d’exprimer son refus des crimes internationaux, du règne de l’impunité et enfin être solidaire avec les populations civiles palestiniennes.
Nous l’avons dit : des voix s’élèvent dont celle de Rony Bauman. Le politologue américain Norman Finkelstein, fils de juifs survivants du ghetto de Varsovie, s’est fait connaître par ses écrits sur le conflit israélo-palestinien et par les polémiques suscitées par sa critique de ce qu'il a appelé « l'Industrie de l'Holocauste », terme par lequel il désigne les organisations et les personnalités juives (notamment le Congrès juif mondial ou Elie Wiesel) qui selon lui instrumentaliseraient la Shoah dans un but politique (soutenir la politique israélienne) ou mercantile (obtenir des réparations financières de la part de l'Allemagne et de la Suisse). On ne peut l’accuser d’antisémitisme car c’est au nom de la Shoah qu’il condamne la torture et les massacres au lieu de les justifier. Norman Finkelstein mène des actions symboliques aux USA et s’est encore fait interpeller récemment lors d’une manifestation pour l’arrêt des massacres à Gaza.
Il y a des hommes de paix plus courageux que des Etats. Ils sont juifs, arabes, chrétiens… peu importe leur religion. Ils incarnent l’espérance face au cynisme d’une communauté internationale qui n’a jamais stoppé à temps des massacres et des génocides, car elle est toujours empêtrée dans des intérêts économiques nationaux ou des calculs géopolitiques.
En dehors des Etats, il existe un moyen citoyen de peser sur la politique israélienne : le boycott, à commencer par celui des produits fabriqués par des sociétés installées dans les colonies israéliennes de la Cisjordanie. C’est le cas pour la marque israélienne Sodastream et cela peut s’étendre à d’autres produits. Là où il n’y a pas de sanctions des Etats, le boycottage peut les remplacer si les massacres continuent et qu’aucune solution équitable et durable n’est apportée au conflit.
Battone
Tags : Palestine, gaza, Buman, Finkelstein, Hollande, Europe, USA, Ukraine, Valls
-
Commentaires