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Sarkozy botoxe sa réputation et son bilan…
Accueilli à bras ouverts et avec embrassade par le Président de France télévision, Nicolas Sarkozy est arrivé dans les locaux d’Antenne 2 en pays conquis. Carla, sur le pas de la porte, a fait une remarque sur le temps avec une expression qui a une drôle de résonnance : « Il fait un froid de gueux ! » lorsqu’on sait qu’elle a dit ensuite : « Nous sommes des gens modestes ». La fausse modestie a été l’une des armes de son mari pour faire contrepoids à l’autosatisfaction dont il a fait preuve sur son action depuis 2007. Il reconnaissait volontiers trois erreurs : Le yacht de Bolloré, le Fouquet’s et la candidature de son fils à la tête d’un établissement public, mais il les excusait lui-même avec des arguments déjà distillés dans la presse et ses déboires conjugaux. Il n’a pas impacté le poids des symboles, pour reprendre son expression. Ce ne sont pour lui que des erreurs d’appréciation de la mauvaise interprétation qui pouvait en être faite. Il aurait dû simplement anticiper sur une mauvaise lecture de ces épines plantées par la vox populi dans sa réputation. Et puis Bolloré est une amitié de trente ans, un type bien qui a su faire fructifier une petite affaire familiale… Les explications de Sarkozy nous laissent songeurs : « ce petit Breton a repris la petite usine de son père et l'a transformée en un groupe qui donne du travail à des milliers de Français… Vincent Bolloré m'a dit : “Viens passer trois jours sur mon bateau”, et comme il est gentil et qu'il savait que ma famille battait de l'aile, il m'a dit : “Peut-être que ça va arranger les choses. Comme une partie de mon cerveau était consacrée à sauver autre chose, je n'ai pas impacté le poids du symbole. » Il faudrait aller demander leur avis aux salariés de certaines entreprises qu’il a achetées et notamment en Afrique.
C’est ce qui s’appelle des pirouettes et Sarkozy est passé maître dans cet exercice de rhétorique, souvent avec la complicité des journalistes qui l’interrogent. Il a tenté de botoxer ses actes et son bilan pour les rendre aussi lisses que le visage de Carla. A la fin de l’émission, il n’a pas été avare d’éloges sur l’émission « Des paroles et des actes », sans doute une façon de remercier David Pujadas pour cette mascarade. Et dire que, lorsque les questions ont été un peu gênantes, son épouse, dans les coulisses, aurait demandé sans obtenir de réponse : « « De temps en temps, ils donnent la parole à des journalistes de droite ? ». Elle aurait même plaisanté en déclarant : « Les journalistes sont tous des Pinocchio », en mimant d’un geste le nez qui s’allonge. Il ne faut pas généraliser, Mme Bruni-Sarkozy ! Mais, dans cette émission, il y a un Pinocchio en chef qui joue, sans modération, les modérateurs. La plupart des intervenants ont fait preuve d’une objectivité qui sonnait faux. Seul François Langlet a osé sortir des tableaux qui démontrent les cadeaux fiscaux faits aux riches par Sarkozy. Ce dernier l’a traité d’imposteur. Là, il y a de quoi s’arrêter un peu car l’imposteur est bien Sarkozy. Il affirmait être le seul en Europe à avoir maintenu l’ISF en oubliant qu’il voulait le supprimer et qu’il l’a allégé pour compenser le bouclier fiscal. Par ailleurs, quoiqu’il en ait dit, les chiffres donnés par le journaliste sont justes. Sarkozy a divisé par deux l’impôt de ceux qui ont un patrimoine de 3 millions d’euros (réduction chiffrée à 5000€ par an) et par trois ceux qui en ont un de 20 millions d’euros (avec une réduction de 180000€ par an). Par ailleurs, les fiscalités sont différentes dans les autres pays européens et on ne peut faire une comparaison sans reprendre l'ensemble de la fiscalité de chacun.
Sarkozy ne veut plus être accusé d’avoir été et d’être le Président des riches et, pour cela, il refait son histoire… Raconter des histoires fait partie de sa stratégie. Une fois que l’on débarrasse son discours de toute cette poudre aux yeux, de tous les mensonges… Que reste-t-il ? Un bilan qu’il s’évertue à cacher, à botoxer et dont il rejette les échecs sur ses prédécesseurs. Que propose-t-il ? Travailler toujours plus et une politique d’immigration plus sévère. Après avoir repris à son compte la polémique sur la viande halal, il trouve maintenant qu’elle sent mauvais mais maintient des mesures restrictives contre l’immigration ainsi qu’un projet de référendum sur le sujet.
Pour contrer François Hollande et sa mesure fiscale de 75% sur les très hauts revenus, le candidat Sarkozy a fait un effet d’annonce: un impôt sur les bénéfices minimum des entreprises du CAC 40. Là où François Hollande cible les particuliers à très hauts revenus, Nicolas Sarkozy propose donc d’imposer les entreprises aux bénéfices les plus élevés, à commencer par la plus emblématique d'entre elles, Total… « Parce que j'ai découvert, dit-il, quelque chose qui n'est pas normal, c'est qu'une partie d'entre eux maximisent les avantages fiscaux, et une partie d'entre eux ne paient pas du tout d'impôt sur les bénéfices. » Constatation très tardive et pourtant connue depuis longtemps mais surtout un nouvel enfumage pour tromper la classe moyenne et rassurer les hauts revenus. Le candidat vise notamment le dispositif du « bénéfice mondial consolidé » qui a permis au groupe Total d'échapper à l'impôt sur les sociétés en France. Ce dispositif fut créé en 1965 pour aider les entreprises françaises à se mondialiser. Il permet de déduire les pertes subies à l'étranger des bénéfices réalisés en France. Cela a été aussi un moyen de fraude par des artifices comptables et des montages financiers. En 2010, le système ne profitait plus qu'à cinq entreprises, et le Conseil des prélèvements obligatoires réclamait déjà sa suppression. Nicolas Sarkozy n'étant pas rentré dans les détails de son futur dispositif, ce qu'on en sait pour l'instant semble symbolique et entre dans le domaine des promesses électorales trompeuses.
Tout en pratiquant une politique en faveur des riches et une campagne cherchant les voix du Front National, notre président-candidat veut apparaître comme un démocrate près du peuple et ouvert aux autres. Il nous tient un discours faux. Toutefois, la toxine botulique de ce discours ne peut lisser un bilan catastrophique qui recreuse de vieilles rides dans la société française. Botox et intox ne changeront pas la réalité de son idéologie néo-droitière et post-État providence, de sa révolution conservatrice avec ses thématiques démagogiques ou compassionnelles.
Pour apporter la contradiction, Laurent Fabius a été choisi et il ne s’agit pas d’une erreur de casting. C’était l’adversaire le moins dangereux et donc idéal. Ce dernier présentait l’avantage d’avoir été un détracteur de François Hollande, de l’avoir traité de « Fraise des bois » . En outre Laurent Fabius était un des partisans de Dominique Strauss-kahn. Un traquenard pour l’ancien premier ministre de Mitterrand déjà mis à mal par Jacques Chirac lors d’un face à face et une aubaine pour Sarkozy qui lui a mis la pression en tentant de le pousser à la faute…
La mascarade s’est termine comme prévue dans la bonne humeur sur le plateau. Les deux journalistes chargés de juger sa prestation lui ont délivré un satisfécit et ont rendu hommage à son énergie. FOG s’est surpassé en compliments. On se souvient que ce dernier a écrit un livre pseudo-polémique sur Sarkozy pour finalement dire qu’il l’aime bien. Tout ce beau monde a poursuivi la soirée devant un buffet amical bien garni. Peut-être ont-il évoqué les quelques écarts déontologiques d’Antenne 2 qui ont fait l’objet de dénonciation dans la presse.
Signé: Pidone
Tags : Sarkozy, Paroles, actes, Pujadas, Carla, Langlet, Présidentielle, Antenne 2
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