• Une seule solution : la nationalisation de la Sncm

    La Sncm va très mal. Elle est au bord du gouffre. D’aucuns dansent déjà la danse du scalp et salivent à l’idée de s’emparer des biens de la compagnie maritime. La situation faite à celle-ci a des causes profondes et sont connues : gabegie, gestion irresponsable, erreur stratégique des anciennes directions et surtout privatisation, sans oublier la concurrence déloyale de la Corsica ferries, société italo-suisse dont le siège est basé en Suisse, employant des salariés mal rémunérés, surexploités. On pourrait rajouter que cette compagnie, pour le moins très opaque, ne paie pas d’impôts en France et a bénéficié d’aides dites sociales à hauteur de 180 millions d’euros !

    Des âmes bien nées et suffisantes, relayées par des media bien-pensants, se livrent à qui mieux mieux et depuis des années à de lourdes charges contre les salariés de la Sncm et leurs syndicats, en particulier la Cgt, tout en occultant la responsabilité dans cette affaire, des anciennes directions de la compagnie maritime et des différents gouvernements qui se sont succédé depuis pas mal de temps déjà. Pour elles, ce sont les marins les vrais coupables, alors haro sur les marins, c’est tellement plus simple. Imbécile pratique de la politique du bouc émissaire. Non seulement ces salariés mettent à mal la compagnie, mais également ils mettent à genou l’économie insulaire ! Le comble de l’enfumage, du délire libéral et du crétinisme politique. Les salariés de la Sncm et de toutes les entreprises sous-traitantes apprécieront la délicatesse de l’argumentation.

    Rafraîchissons la mémoire de ces belles âmes et de tous ces plumitifs attardés qui sévissent dans les media, en particulier de Sauveur Gandolfi-Scheit, député de la Haute Corse. Celui-ci est intervenu en début de semaine, à l’Assemblée nationale, dans le cadre des questions orales. Bien évidemment, il s’en prend au passage aux marins et au préavis de grève déposé par les syndicats de la Sncm pour le 24 juin 2014. «  Cette nouvelle grève, si elle devait avoir lieu, mettrait définitivement en péril l’économie insulaire », s’est-il écrié. Et de proposer « l’impérieuse nécessité d’un service minimum pour le transport maritime afin d’assurer la continuité de service public et la liberté de circulation entre la Corse et le continent. »

    En voilà une belle manière de résoudre le problème de fond qui se pose à la Sncm. Pour faire bonne mesure, toujours dans la même intervention, le député Ump s’en est pris au gouvernement pour ses improvisations, ses déclarations contradictoires et ses atermoiements. Sur ce dernier point, nous partageons l’appréciation. Mais il est bon de rappeler à monsieur le député de la Haute Corse que ses amis des différents gouvernements de droite ont eu aussi et surtout une grande responsabilité dans la situation actuelle de la compagnie maritime. Qui l’a privatisée ? Sinon Villepin, cédant les actifs de la Sncm à de conditions très intéressantes à son ami Butler, président d’un fonds commun de placement, donc un spéculateur. D’ailleurs, notre homme s’est empressé de revendre les bateaux en réalisant de substantiels bénéfices. Sur le dos de qui ?

    Il est urgent de sortir de la crise. Il existe un plan de redressement qui a eu l’aval des toutes les parties, y compris du syndicat Cgt des marins. Les salariés ont consenti à des efforts considérables, entre autres l’acceptation du départ de 500 personnes. Ce plan est toujours d’actualité. Il suffit de l’appliquer. Il prévoit aussi l’achat de quatre nouveaux navires. Le gouvernement ne peut plus tergiverser. Il est grand temps de prendre la bonne décision. Pour notre part, nous pensons que la vraie solution passe par une vraie nationalisation de la Sncm, avec un contrôle rigoureux de sa gestion, par les intéressés. Il ne saurait y avoir de solution bancale et peu crédible, comme par exemple la création d’une compagnie régionale, comme d’aucuns l’appellent de leurs vœux. Une telle compagnie serait tout simplement discriminatoire pour des milliers de salariés vivant à Marseille et en Provence. Pour information, il est bon de préciser qu’un grand nombre de salariés de la compagnie travaillant sur le continent sont corses ou d’origine corse. Seraient-ils moins corses que les autres ? En outre, une compagnie régionale ne ferait pas le poids face à la Corsica ferries. L’expérience sarde est là pour nous éclairer.

    Ava, basta. Les tergiversations, les manœuvres dilatoires et les fausses nouvelles doivent cesser. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités dans l’intérêt bien compris des salariés de la Sncm, de leurs familles, des sous-traitants. Pour terminer, les socio-professionnels, au lieu de s’en prendre exclusivement aux marins Cgt, feraient mieux de méditer sur les vraies causes de la situation du transport maritime entre la Corse et le continent et de se battre pour la sauvegarde et le développement de la compagnie maritime. Demain, en cas de disparition de celle-ci, ils risqueraient de faire la grimace et d'en payer lourdement les conséquences.

     

    Jean-Antoine Mariani

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